La Cour constitutionnelle de Thaïlande a ordonné jeudi après-midi la dissolution du parti politique Thai Raksa Chart, en réponse à la tentative de nomination de la Princesse Ubolratana comme candidate au poste de Premier ministre, en vue des élections législatives du 24 mars.
La Cour a jugé que la nomination de la Princesse par le Thai Raksa Chart était un geste susceptible de déstabiliser le système démocratique dans le cadre de la monarchie constitutionnelle. Elle a affirmé que la monarchie était traditionnellement et constitutionnellement placée en dehors du champ politique et a rejeté l’argument du parti selon lequel les principes démocratiques avaient été scrupuleusement respectés en désignant la Princesse comme sa candidate au poste de Premier ministre.
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Le verdict a en outre déchu les dirigeants du parti de leur droit de se présenter aux élections et de participer à la création de nouvelles formations politiques pendant 10 ans.
Cette décision entraîne également l’exclusion de tous les candidats et dirigeants du parti pour les prochaines élections, y compris son leader Preechapol Pongpanich.
La Cour constitutionnelle a rendu sa décision dans un contexte de sécurité particulièrement renforcée. Des centaines de journalistes et de cameramen suivaient la lecture du verdict depuis l’extérieur de la salle d’audience, dans laquelle seuls les représentants de la Commission électorale et du Thai Raksa Chart étaient autorisés.
La Cour constitutionnelle porte un coup dur au clan Thaksin
Cette décision constitue un coup dur pour le camp politique de l’ancien Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra. Le Thai Raksa Chart est en effet une émanation du Pheu Thai, l’ancien parti au pouvoir. Il a été formé dans le cadre d’une stratégie d’envergure, supposément orchestrée par Thaksin, pour obtenir davantage de sièges lors des prochaines élections dans les circonscriptions où le Pheu Thai ne se présente pas.
Le 8 février dernier, le Thai Raksa Chart avait lancé une « bombe politique » en présentant la Princesse Ubolratna comme sa candidate au poste de Premier ministre. Mais ce coup d’éclat politique ne fut que de courte durée puisqu’il fut remis en cause le soir même par une déclaration de S.M. le Roi qualifiant ce geste de « très inapproprié ».
Une plainte contre le Thai Raksa Chart a ensuite été déposée auprès de la Commission électorale qui a statué que le parti avait enfreint la loi en s’engageant dans une démarche considérée contraire au système démocratique dans le cadre de la monarchie constitutionnelle. La Commission électorale a donc appelé la Cour constitutionnelle à statuer sur la dissolution du parti à titre de sanction.
Le Thai Raksa Chart a contesté cette décision, insistant sur le fait qu’il n’avait rien fait de mal sur le plan juridique, dans la mesure où la Princesse Ubolratna avait elle-même souhaité être désignée comme candidate à la fonction de Premier ministre. Le parti a également questionné la décision de la Commission électorale de demander sa dissolution sans même tenir compte de ses arguments de défense.
Le parti avait soumis une liste de 19 témoins sur laquelle était basée sa défense. Le tribunal a toutefois décidé de statuer sur cette affaire sans tenir d’audience estimant qu’il disposait de suffisamment de preuves convaincantes.
Les partisans du Thai Raksa Chart appelés à voter pour le Pheu Thai
En réaction à ce verdict, un leader du parti politique Thai Raksa Chart a appelé ses partisans à voter en faveur du Pheu Thai, ou pour des partis anti-militaires dans les circonscriptions où aucun candidat Pheu Thai ne se présente.
Pongsak Phusitsakul, qui était également candidat pour le parti, a décrit la dissolution survenue jeudi via la Cour constitutionnelle de moment marquant pour l’histoire politique thaïlandaise, ajoutant sur Facebook : « il n’y a aucun mot pour décrire mon sentiment face aux répercussions sur les candidats et les collaborateurs qui ont travaillé si dur et ont œuvré pour servir la population ».
Il a ajouté qu’au cours des quatre derniers mois, il avait vécu de nombreuses expériences positives en travaillant avec les candidats et d’autres membres du parti venant d’horizons différents mais ayant à cœur de servir la population.
« Il se peut que nous ne nous rencontrions plus jamais sur les routes de la politique, mais sur le chemin de la lutte démocratique pour le bien du pays, nous nous retrouverons certainement », a encore ajouté Pongsak.
Immédiatement après le verdict de la Cour constitutionnelle, le chef du parti, Preechapol Pongpanich, a déclaré aux médias qu’il acceptait cette décision avec tristesse, ajoutant toutefois que l’ordonnance de dissolution entrave les droits politiques fondamentaux des candidats et de la société.
« Nous avons fait de notre mieux, nous voulons voir le pays avancer dans la bonne direction et faire de bonnes choses en toute sincérité », a déclaré Preechapol. « Je tiens à remercier nos candidats et les personnes qui ont toujours été présentes avec nous. Même si nous ne parvenons pas là où nous l’aurions souhaité, je voudrais remercier tout le monde », a-t-il ajouté.