Les deux partis revendiquant la victoire aux élections législatives de dimanche en Thaïlande, le Pheu Thai (anti-junte) et le Palang Pracharath (pro-junte), ont chacun de leur côté engagé des démarches pour former un gouvernement de coalition. Selon les dernières projections, ces deux partis sont ceux ayant obtenu le plus de sièges, mais sans toutefois disposer d’une majorité absolue.
Les deux formations ont également deux interprétations différentes de la loi. Le Pheu Thai estime que la formation d’un gouvernement doit se fonder sur le nombre de sièges, tandis que le Palang Pracharath juge que cette prérogative incombe au parti ayant remporté le plus de voix.
Sudarat Keyuraphan, candidate au poste de Premier ministre pour le Pheu Thai, a insisté lors d’une conférence de presse sur le fait que tous les résultats publiés par la Commission électorale, bien que non officiels, indiquent que le parti pro-Thaksin a remporté le plus grand nombre de sièges et devrait avoir la priorité dans la formation d’un gouvernement de coalition.
« La volonté du peuple doit être respectée », a-t-elle déclaré au sujet des résultats des élections qui ont placé le Pheu Thai devant le Palang Pracharath en termes de sièges à la Chambre. Selon le dernier décompte des voix, le Pheu Thai obtiendrait 137 sièges contre 112 pour le Palang Pracharath.
Elle a affirmé que son parti allait entamer des pourparlers avec d’autres formations « qui partagent la même idéologie consistant à mettre un terme à l’héritage » des coups d’État militaires, afin de former une coalition.
Phumtham Vechayachai, secrétaire général du Pheu Thai, a ajouté lors de la même conférence de presse qu’il était de coutume que le parti ayant obtenu le plus de sièges soit le noyau d’une coalition.
Toutefois, le Palang Pracharath s’est lui aussi engagé dans une lutte rivale pour former une coalition, a affirmé Uttama Savanayana, l’un de ses leaders.
Il a insisté sur le fait que tout parti capable d’obtenir un appui suffisant devrait avoir la possibilité de former une coalition. Dans cette optique, il a affirmé que le Palang Pracharath prendrait immédiatement contact avec ses alliés potentiels.
Les partis intermédiaires, notamment les démocrates et le Bhumjaithai, devraient désormais jouer un rôle crucial. Le leader du Bhumjaithai a insisté sur le fait qu’il attendrait les résultats officiels avant de se prononcer. « Ce que je peux vous dire, c’est que le gouvernement de coalition devra être solide », a-t-il déclaré.
Parallèlement, Korn Chatikavanji, l’un des dirigeants du Parti démocrate, a nié dans un message posté sur Facebook que sa formation avait été approchée pour rejoindre une coalition dirigée par le Pheu Thai. « C’est tout simplement impossible », a-t-il affirmé.
Thaksin estime que les élections sont « truquées »
Pendant ce temps, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra a qualifié les élections de dimanche de « truquées » et a averti que la junte chercherait à se maintenir au pouvoir, peu importe la coalition qui se dégagerait.
Évoquant toute une série d’irrégularités commises lors du scrutin, Thaksin a déclaré que le régime militaire « a clairement peur » et que le Palang Pracharath dirigerait un gouvernement « très instable » s’il n’avait pas la majorité à la Chambre basse du Parlement.
Il a cité, à titre d’exemple, le président de la Commission électorale de Thaïlande, Ittiporn Boonprakong, qui, lorsqu’on lui a demandé dimanche quels seraient les résultats définitifs, a déclaré : « je n’ai pas de calculatrice avec moi. »
« Que les dirigeants de la junte autorisent ou non les partis pro-démocratie à former un gouvernement, ils trouveront un moyen de rester au pouvoir », a écrit Thaksin dans une tribune publiée dans le New York Times. « Ils n’ont pas honte, et ils veulent être au pouvoir quoi qu’il arrive. »
Le Commission n’a annoncé que lundi à 16 heures les résultats des 350 circonscriptions pour le scrutin uninominal, après plusieurs retards. À ceux-ci doivent encore être ajoutés 150 sièges issus d’un calcul proportionnel complexe et les résultats officiels et définitifs ne seront connus que le 9 mai.
Thaksin, ancien policier et magnat des télécommunications, est devenu Premier ministre en 2001 après avoir remporté les élections. Il fut renversé par les militaires au début de son deuxième mandat, en 2006.
Il a finalement fui la Thaïlande en 2008 avant d’être condamné par contumace pour corruption.