Alors que le coronavirus se propage désormais au-delà des frontières initiales, les Chinois sont victimes de stigmatisation dans le monde entier. Tandis que les gouvernements, les entreprises et les établissements d’enseignement s’efforcent de trouver la réponse appropriée, la protection de la santé publique demeure la priorité. Plusieurs compagnies aériennes ont déjà interrompu leurs liaisons avec la Chine. En Europe, des écoles ont annulé leurs échanges scolaires, et en Corée du Sud, certains restaurants refusent les clients chinois.
Désormais, c’est donc la population tout entière du pays où l’épidémie a commencé qui est stigmatisée.
Avec un bilan de 259 morts et 11 791 cas à ce jour, les inquiétudes s’intensifient. De nombreuses sociétés internationales implantées en Chine ont ainsi invité leurs employés à rester chez eux. En outre, certaines compagnies aériennes ont réduit leurs vols vers la Chine, et d’autres — comme Air France ou British Airways — ont même suspendu l’ensemble de leurs rotations.
Plusieurs pays ont également entrepris l’évacuation de leurs citoyens qui résident dans la zone la plus touchée, la ville de Wuhan.
La vaste majorité des cas concernent des habitants de cette métropole du centre de la Chine et des villes voisines, ou des personnes qui ont été en contact direct avec eux. Pourtant, à travers le monde, les individus de type asiatique affirment qu’ils sont de plus en plus inquiets depuis la propagation de la maladie.
La peur prend le dessus sur la raison
En Corée du Sud, des écriteaux ont commencé à apparaître sur les vitrines des restaurants avec la mention « Interdit aux Chinois ». Un casino coréen qui accueille des clients étrangers a lui aussi indiqué qu’il n’acceptait plus les Chinois. Plus d’un demi-million de personnes ont même signé une pétition, soumise au gouvernement, qui demande l’interdiction totale de séjour pour les touristes venus du pays voisin, qui compte 1,4 milliard d’habitants.
En visite dans la ville japonaise d’Ito, une Chinoise a déclaré que le serveur d’un restaurant lui avait adressé un « Chinois ! Dehors ! » Cette scène a été diffusée sur Weibo, un site chinois de microblogging. L’enregistrement fut également partagé par un journaliste de la chaîne Phœnix TV, basée à Hong Kong.
Interrogée sur cette affaire, une femme qui travaille pour ce restaurant a expliqué que les clients originaires de Chine et d’Asie du Sud-Est étaient désormais refusés en raison des inquiétudes liées au coronavirus. « Si notre propriétaire contracte le virus et meurt, qui en sera responsable ? »
Des frictions de longue date avec les Chinois
Au-delà des préoccupations sanitaires, les réactions de la Corée du Sud et du Japon face au virus reflètent des dissensions historiques avec la Chine. À cela s’ajoute le ressentiment à l’égard de son influence croissante dans la région. Et cela alors même qu’un afflux de visiteurs en provenance de Chine a stimulé les économies des pays voisins. En Corée du Sud notamment, où le nombre de touristes a augmenté de 25 % par rapport à l’année précédente pour atteindre plus de 5,5 millions en novembre.
Les signes de désaffection ne se limitent pas à l’Asie. Le journal régional français Le Courrier picard a suscité une vague d’indignation. Le dimanche 26 janvier, il titrait ainsi en Une « Alerte jaune ». Le quotidien s’est depuis excusé auprès des lecteurs, qui avaient utilisé Twitter pour condamner une référence au « péril jaune ». Ce terme, qui remonte à la fin du XIXe siècle, évoque la menace que les peuples asiatiques font peser sur l’Occident.
Au Danemark, l’ambassade de Chine a demandé au journal Jyllands-Posten de s’excuser après la publication d’un dessin éditorial qui représente le drapeau chinois avec des virus au lieu des étoiles.
« Nous sommes en colère et tristes, car il s’agit d’une insulte au peuple chinois et à notre drapeau », a déclaré John Liu, secrétaire général de la Chambre de commerce chinoise au Danemark, dans une interview télévisée.
Le journal a de son côté refusé de s’excuser et a invoqué la tradition danoise de liberté d’expression.
En outre, les personnes d’origine asiatique, mais non chinoises, sont elles aussi confrontées à des réactions hostiles. Au Sri Lanka, des visiteurs venus de Singapour se sont vus interdire l’accès au site naturel Ella Rock. La seule raison demeure leur apparence, selon Tucker Chang, 66 ans, l’un des touristes. Pourtant, aucun des membres du groupe n’avait voyagé récemment en Chine.
Les échanges scolaires avec les élèves chinois annulés
En France, le ministère des Affaires étrangères a conseillé aux écoles et aux universités de reporter les échanges avec la Chine.
Au Canada, au nord de Toronto, des parents ont lancé une pétition afin que les établissements scolaires obligent les étudiants récemment rentrés de Chine à rester chez eux dans le but d’éviter tout risque de propagation du « 2019-nCoV ». L’appel a recueilli près de 10 000 signatures. La région compte par ailleurs une importante population d’origine chinoise et asiatique.
En réponse, les autorités éducatives ont écrit aux parents afin de les sensibiliser au fait que de telles demandes risquaient de « provoquer des préjugés et du racisme ». Et ce, même si celles-ci sont formulées au nom de la sécurité et du bien-être de leurs enfants.
« Ce que nous essayons vraiment de faire, c’est de nous assurer que cette situation ne donne pas lieu à un racisme fortuit », a déclaré Juanita Nathan, des autorités scolaires, dans l’émission Metro Morning de la radio CBC. « Je pense que les parents sont peut-être trop prudents et préoccupés par le coronavirus. »
En Australie, dans l’État de Nouvelle-Galles-du-Sud, les étudiants locaux qui se sont rendus en Chine au cours des deux dernières semaines ont été priés de rester chez eux. La ministre de l’Éducation, Sarah Mitchell, a déclaré qu’elle « demandait aux parents de garder leurs enfants à la maison ». Le même avis a été donné aux enseignants.
« Je pense qu’il est important que nous prenions cette mesure de précaution en phase avec les attentes de la population », a-t-elle ajouté.