Gaz lacrymogènes, canons à eau et balles en caoutchouc, un rassemblement antigouvernemental tourne à nouveau à l’affrontement entre la police thaïlandaise et les manifestants à Bangkok


La police thaïlandaise a fait usage de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc samedi soir, pour disperser un rassemblement d’opposants au régime. Ces derniers réclament la libération des militants détenus, une révision de la Constitution et une réforme de la monarchie.

Ce rendez-vous, tenu aux abords du Grand Palais de Bangkok, constituait le prolongement des actions menées par les étudiants depuis l’année dernière et qui secouent la classe dirigeante traditionaliste du pays, farouchement opposée à tout changement, notamment au sujet de l’institution royale.

Les organisateurs avaient prévu de lancer des avions en papier, sur lesquels seraient inscrits des messages, par-dessus les murs du palais.

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Une barricade, constituée de conteneurs de transport empilés sur deux niveaux avait été installée à l’extérieur afin de bloquer les manifestants. Ceux-ci ont néanmoins réussi à franchir la barrière en déplaçant des conteneurs. La police, positionnée derrière, a initialement répondu par des avertissements, puis par des tirs de canons à eau et de balles en caoutchouc. Les forces de l’ordre ont alors chargé la foule et les affrontements se sont poursuivis une bonne partie de la soirée.

Au cours des escarmouches, les manifestants ont lancé des fumigènes et des engins pyrotechniques sur la police, et également déclenché plusieurs incendies de pneus ou de détritus sur la route.



Selon la police métropolitaine de Bangkok, au moins 20 participants ont été interpellés. En outre, les services d’urgence Erawan ont pour leur part indiqué qu’au moins 32 personnes avaient été envoyées vers des hôpitaux, dont 20 civils et 12 agents.

Le porte-parole adjoint de la police thaïlandaise, Kissana Phathanacharoen, explique que les forces de l’ordre avaient averti que le rassemblement était illégal, mais que les manifestants étaient malgré tout présents. Il ajoute qu’en plus des jets de projectiles divers, des lance-pierres ont été utilisés pour envoyer des écrous et des boulons sur les officiers et des barres de métal pour les attaquer. M. Kissana estime également que la police a fait usage de canons à eau, de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc conformément aux procédures en vigueur.



Le rassemblement était organisé par REDEM, une faction du vaste mouvement de protestation lancé l’année dernière avec trois revendications principales : le départ du Premier ministre Prayut Chan-o-cha et de son gouvernement, la modification de la Constitution pour une démocratisation totale et la réforme de la monarchie.

REDEM, pour « Restart Democracy » (redémarrer la démocratie), affirme n’avoir aucun dirigeant et organise des votes en ligne pour décider des dates et des activités des rassemblements.

Le mouvement a accentué sa démarche en se concentrant sur la monarchie et la loi thaïlandaise sur la lèse-majesté. En vertu de cette dernière, critiquer, insulter ou diffamer le souverain et d’autres hauts représentants de la royauté est passible d’une peine qui peut aller jusqu’à quinze ans de prison.

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L’institution a longtemps été assimilée à un élément sacré en Thaïlande et toute réprobation publique est non seulement illégale, mais aussi considérée comme socialement inacceptable. Un certain nombre de personnes continuent de vénérer la monarchie et l’armée. Cette dernière, une puissance majeure dans la société et la politique thaïlandaises, juge la défense de la monarchie comme son objectif prioritaire.

L’année dernière, lorsque les opposants au régime ont intensifié leurs critiques à l’égard de la royauté, le gouvernement a réagi en inculpant les manifestants les plus véhéments au nom de la loi de lèse-majesté. Sur le seul mois écoulé, huit d’entre eux ont été emprisonnés dans l’attente d’un procès.

En 2020, le mouvement est parvenu à attirer des foules de plusieurs dizaines de milliers de personnes à Bangkok et était suivi dans les grandes villes et les universités du reste du pays. Mais une nouvelle vague de coronavirus Covid-19 à la fin de l’année a provoqué la suspension temporaire de ses activités, et une perte de vitesse.


(Photo : AFP)