Pendant des siècles, les mosquées ont servi de lieux propices à l’approfondissement des enseignements de l’Islam au sein de la population musulmane en Indonésie. Cette influence connait cependant un déclin en raison des prêches sur les réseaux sociaux.
L’étude réalisée en 2018 par le Centre d’étude de la religion et de la culture (CSRC) de l’Université islamique d’État Syarif Hidayatullah (UIN) de Jakarta révèle que les jeunes musulmans s’intéressent de moins en moins aux études religieuses au sein des mosquées.
Cette enquête, qui a interrogé des musulmans âgés de 17 à 24 ans dans 18 départements et villes du pays, a également révélé que les sermons sur les réseaux sociaux avaient réduit l’influence des enseignements religieux dans les familles, organisations ou autres institutions éducatives officielles.
Fitria Jamal, musulmane de 25 ans, a déclaré qu’elle était plus encline à utiliser YouTube pour se renseigner sur l’Islam qu’à se rendre dans une mosquée pour prendre part à un « kajian » (forum pédagogique).
« Sur YouTube, je peux choisir les sujets et les prédicateurs que je veux apprendre et écouter », a déclaré cette employée de banque, qui a déclaré qu’Abdul Somad, un prédicateur qui compte un million d’abonnés et très actif sur les réseaux sociaux, était l’un de ses préférés.
Fitria a indiqué qu’il était difficile de trouver une mosquée qui soit adaptée à sa volonté de discuter de la « fitrah » (nature originelle) des femmes en Islam.
Faire évoluer les mosquées pour contrer la radicalisation
Une autre musulmane curieuse, Faridah Zahra, 25 ans, a déclaré qu’elle aimait regarder Abdul Somad et d’autres jeunes prédicateurs célèbres comme Adi Hidayat et Hanan Attaki sur YouTube et Instagram car ils lui fournissaient des « sermons intéressants », axés par exemple sur le rapport entre Islam et sciences.
« Quand j’ai commencé à me familiariser avec ces connaissances scientifiques, je suis devenue de plus en plus curieuse », a déclaré Faridah, qui vit à Bandung, Java occidental.
Elle a expliqué qu’elle appréciait l’idée de fréquenter davantage les mosquées, mais qu’elle ne le ferait que si les sujets abordés y étaient intéressants.
Des universitaires et des musulmans se sont récemment réunis à Jakarta pour discuter de la manière d’attirer les jeunes dans les mosquées dans un contexte d’influence croissante des réseaux sociaux dans la diffusion des enseignements de l’Islam.
Un conférencier de l’UIN Jakarta, Masdar F. Mas’udi, a déclaré que les mosquées désaffectées étaient susceptibles de servir à des groupes radicaux pour diffuser leurs idées.
« C’est du moins ce qui se passe dans certaines mosquées de Bogor, Java occidental, où j’ai étudié le phénomène il y a quelques années », a-t-il fait valoir.
Il a ajouté que les mosquées avaient besoin de se dynamiser pour stopper la propagation de mouvements radicaux. Des rapports récents ont révélé qu’un certain nombre de mosquées du pays avaient été infiltrées par des groupes affiliés au mouvement de l’État islamique (EI) pour enrôler des membres dans le réseau terroriste.
« Nous ne voulons pas que cela se reproduise, alors nous devons responsabiliser nos mosquées », a dit Masdar.
Instagram et Wi-Fi gratuit dans les mosquées
Dans le même temps, le directeur du CSRC UIN Jakarta, Irfan Abubakarta, a déclaré que les plus jeunes devaient aller dans les mosquées pour acquérir une compréhension approfondie de l’Islam.
Souvent, selon Irfan, un faible niveau d’instruction religieuse conduit à un certain absolutisme, qu’il définit comme une attitude consistant à considérer ses propres convictions comme la vérité absolue.
« L’absolutisme est une menace pour la société pluraliste du pays », a-t-il dit, ajoutant que les musulmans ayant une bonne culture religieuse étaient plus ouverts d’esprit, tolérants et avaient une perception positive de la diversité.
Irfan Amalee, l’un des fondateurs de Peace Generation et activiste, a déclaré qu’une transformation dans les mosquées était nécessaire pour attirer la nouvelle génération. Les changements, a-t-il affirmé, pourraient s’opérer par le biais de thèmes de sermons nouveaux et pertinents, par la réorientation des « takmir » (directeurs) et prédicateurs des mosquées et par la rénovation des bâtiments pour créer une atmosphère novatrice et faire jaillir de nouvelles idées.
« Nous utiliserons des approches nouvelles et innovantes pour créer un effet d’attraction dans nos mosquées », a-t-il dit, citant plusieurs lieux de culte de Bandung qui ont réussi à attirer des fidèles en proposant le Wi-Fi gratuit et en développant des espaces « Instagrammables », rapporte The Jakarta Post.