Un récent sondage a montré que les Thaïlandais se sentent de plus en plus préoccupés par la criminalité et par leur sécurité personnelle. La majorité d’entre eux affirment que le ralentissement économique que traverse le pays en serait la cause.
L’enquête, menée par l’Université Suan Dusit Rajabhat (Suan Dusit Poll), a été réalisée du 15 au 18 janvier auprès de 1 365 sondés à travers la Thaïlande. Elle faisait suite à plusieurs événements criminels qui se sont produits dans le Royaume, tels que des viols, des attaques à main armée et des affaires de trafic de drogue.
Le 9 janvier, un homme avait tué par balle trois personnes et blessé quatre autres lors du braquage d’une bijouterie à Lopburi, dans le centre de la Thaïlande. Le malfaiteur, arrêté le 22 janvier après plusieurs jours de cavale, portait un masque de ski, des bottes de combat et des vêtements de camouflage. Il était muni d’un pistolet de 9 mm, d’un silencieux et d’un long couteau.
Cette attaque violente fut filmée par de nombreuses caméras de surveillance. L’une des victimes était un petit garçon de deux ans qui a reçu une balle dans la tête alors qu’il passait devant la boutique avec sa mère.
Dans ce contexte, 67,6 % des personnes interrogées par Suan Dusit ont indiqué que leur sécurité était devenue plus préoccupante l’année dernière. Elles ont ajouté que cette situation était notamment due au ralentissement économique, à la détérioration des conditions sociales et à la perte des valeurs morales.
Économie défaillante et criminalité
Au deuxième trimestre de 2019, les autorités ont révélé que le pays avait connu sa plus faible croissance depuis près de cinq ans. De surcroît, le recul des exportations, un secteur agricole en difficulté et les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont eu des conséquences néfastes sur la Thaïlande.
Le gouvernement a également pointé du doigt la baisse de la demande intérieure et la détérioration de la compétitivité des exportations pour justifier ce ralentissement. En outre, le baht thaïlandais figurait parmi les devises les plus performantes d’Asie en 2019, ce qui a pénalisé les ventes à destination de l’étranger et le secteur essentiel du tourisme. Ce dernier génère plus d’un cinquième du produit intérieur brut (PIB) du Royaume. Enfin, pour compliquer encore plus les choses, l’agriculture est actuellement confrontée à une sécheresse majeure.
Ainsi, au deuxième trimestre 2019, la production agricole thaïlandaise a chuté de 1,1 %, les exportations de 6,1 % et les importations de 2,7 % en glissement annuel.
Selon les résultats de Suan Dusit, 53,8 % des sondés ont souligné que leur sécurité personnelle était menacée par la fragilité de l’économie. De plus, 24,4 % ont cité la détérioration des conditions sociales, les disparités et un faible niveau de vie, et 21,3 % l’incapacité du gouvernement à résoudre les problèmes économiques qui contraint la population à ne compter que sur elle-même. Enfin, 18,2 % ont affirmé que ce phénomène était dû à la perte des valeurs morales au sein de la société et 14,5 % au manque de fermeté dans l’application de la loi.
Interrogés sur les menaces à la sécurité qu’ils craignaient le plus, 67,5 % des Thaïlandais ont évoqué les vols et le banditisme, 32,7 % l’usage de la violence et des armes, 25,1 % la propagation des stupéfiants, 21,3 % les délits sexuels et 15,1 % la pollution.
Des répercussions néfastes sur le long terme
La question de savoir si le ralentissement de l’économie entraîne une hausse de la criminalité est toujours controversée. Certains s’accordent à dire que c’est le cas et d’autres affirment que ça ne l’est pas systématiquement.
En 2015, le Forum économique mondial (FEM) a publié un article intitulé « Les récessions entraînent-elles une hausse de la criminalité ? ». Dans ce texte, les auteurs citent un ouvrage référence de l’expert américain Gary Becker de 1968. Ici, il affirme que des perspectives modestes lors du retour à une activité légale peuvent conduire à une implication initiale dans la délinquance et, par la suite, à être confronté au système judiciaire. Les réactions en chaîne peuvent alors déboucher sur une véritable carrière criminelle chez les jeunes.
Les auteurs soulignent que les récessions n’entraînent pas seulement des résultats négatifs à court terme sur le marché du travail, mais qu’elles peuvent aussi engendrer des délinquants de métier.
« Nous disposons de preuves solides d’un effet néfaste, dans un premier temps important et par la suite durable, en ce qui concerne l’entrée sur le marché du travail au cours d’une récession pour les personnes au seuil de la criminalité. Les répercussions se révèlent prédominantes sur le plan économique et plus problématiques sur le long terme ».
Le débat demeure ouvert sur le fait de savoir si un ralentissement économique entraîne inévitablement une recrudescence de la délinquance. Mais en Thaïlande, de nombreuses personnes estiment que c’est le cas. Quoi qu’il en soit, les autorités doivent désormais intensifier leurs efforts en vue de rectifier la conjoncture et d’empêcher une aggravation des problèmes d’ordre public.