Le boom des compagnies aériennes low-cost en Asie du Sud-Est tourne au vinaigre

Le boom des compagnies aériennes low-cost en Asie du Sud-Est tourne au vinaigre

De nombreuses commandes d’avions passées par les compagnies low-cost d’Asie du Sud-Est sont remises en cause par la Covid-19 (Photo : Reuters)

Les compagnies aériennes low-cost d’Asie du Sud-Est, qui constituaient un moteur clé de la croissance des constructeurs et des sociétés de leasing depuis une décennie, connaissent des revers financiers en raison de la chute de la demande liée à la pandémie de coronavirus Covid-19. Des interrogations émergent désormais quant à leur capacité à étendre leurs flottes.

Les auditeurs du groupe malaisien AirAsia et du vietnamien VietJet ont exprimé des préoccupations quant aux flux de trésorerie et aux financements. Tandis que l’indonésien Lion Air a suspendu son projet de capital flottant.

Avant même la pandémie, les banquiers et les sociétés de leasing s’inquiétaient déjà de savoir si les avions demandés au cours d’une frénésie acheteuse de dix ans par les transporteurs d’Asie du Sud-Est finiraient par être livrés.

Les low-cost de la région, qui disposent de succursales dans plusieurs pays, ont passé commande de 938 avions et louent la plupart de leurs flottes existantes de 476 appareils, selon les données d’Aviation Week.

Les compagnies aériennes à bas prix qui assurent des liaisons intérieures majeures se révéleront certainement en bonne place pour une reprise post-pandémie, en dépit d’un soutien financier moindre que celui accordé à leurs rivales d’État.

Selon les analystes, leur structure de frais réduits contribue à freiner le rythme auquel leurs liquidités se consument. Ainsi, elles disposent de la souplesse nécessaire pour profiter en priorité d’une éventuelle reprise.

Mais avec la fermeture des frontières et le ralentissement de la croissance économique, un retour aux voyages internationaux pour les compagnies low-cost, indispensable pour leur permettre de se procurer tous les appareils en commande, semble de plus en plus improbable. Il s’agit en outre d’un indicateur inquiétant pour les fabricants et les loueurs.

« Un domaine qui me préoccupe globalement est celui des transporteurs à bas prix qui ont commandé trop d’avions », explique Robert Martin, directeur général du bailleur BOC Aviation basé à Singapour, à Reuters.

« Je pense qu’il y aura encore beaucoup de travail à réaliser sur ce point au cours du troisième trimestre », ajoute-t-il, en se référant aux négociations sur les contrats de location actuels.



L’époque de la prospérité des compagnies low-cost est-elle révolue ?

Jusqu’à présent, une classe moyenne en pleine expansion, caractérisée par des revenus disponibles plus élevés et une libéralisation accrue, a rendu la région particulièrement attrayante pour les constructeurs et les fournisseurs.

En février, lors du salon aéronautique de Singapour — avant que la pandémie ne se propage bien au-delà du territoire chinois — Boeing prédisait que les compagnies d’Asie du Sud-Est auraient besoin de 4 500 avions au cours des vingt prochaines années. Avec le Viêt Nam en tête du palmarès de la croissance du trafic.

De plus, les prévisions faisaient état de la création de 182 000 postes de pilotes, personnel de cabine ou techniciens.

Mais désormais, des employés sont licenciés et placés en chômage partiel et des dizaines d’avions ne sont pas livrés, à l’exception des compagnies aériennes qui poursuivent leurs projets initiés avant la crise. De leur côté, les constructeurs et les sociétés de leasing absorbent les pertes.

Le cabinet de conseil IBA estime qu’une offre excédentaire qui pourrait atteindre jusqu’à 2 500 appareils dans le monde entier apparaîtra au cours des 20 prochains mois.

Les loueurs proposent des reports de paiement aux clients dont les avions sont immobilisés au sol. Mais une probable crise de liquidités se profile à l’horizon lorsque ces délais prendront fin, estime Brendan Sobie, analyste du secteur de l’aviation basé à Singapour.

« Même avec une reprise domestique, il n’y a pas d’international », souligne M. Sobie. « Elles disposent de flottes trop importantes et ne peuvent pas les exploiter pleinement, car les vols long-courriers de nuit ne sont plus assurés. »

Cela menace la filière de livraison, même si le mois dernier, VietJet a déclaré à ses actionnaires qu’elle prévoyait toujours d’ajouter 12 Airbus à sa flotte cette année.

Avant la crise, VietJet avait commandé des avions à Airbus et Boeing, notamment pour lancer des filiales dans plusieurs pays. Mais jusqu’à présent, elle n’a créé qu’une seule succursale, en Thaïlande, où elle se retrouve en concurrence avec AirAsia et Lion Air.

AirAsia, qui a déclaré qu’elle cherchait des financements supplémentaires par voie de prêts et de capitaux propres, s’attend à atteindre entre 70 et 75 % de sa capacité normale d’ici la fin de l’année.

Mais le groupe a aussi informé Airbus qu’il n’escomptait plus prendre livraison de nouveaux avions en 2020. Airbus a en conséquence mis en vente au moins six des appareils non réceptionnés.

« Airbus travaille en étroite collaboration avec tous ses clients en cette période très difficile », précise un porte-parole de l’avionneur.

En Indonésie, Lion Air avait déjà menacé d’annuler sa commande de Boeing 737 Max après le crash de son vol 610 en octobre 2018.

Les banquiers rapportent que le groupe a fortement réduit ses dépenses en raison de la crise. Mais Lion Air n’a apporté aucun commentaire sur ses intentions.

L’américain Boeing estime que même si la reprise du trafic passager pourrait nécessiter plusieurs années encore, la confiance dans la demande à long terme en Asie du Sud-est demeure.