Pourquoi les entreprises FinTech asiatiques ne se développent-elles pas en Europe ?

Quelles sont les aspirations des leaders de la FinTech asiatique que l’Europe n’offre pas ?


(Photo : Raisin / Flickr)

Le secteur FinTech asiatique s’est montré particulièrement dynamique ces dernières années et connaît actuellement une forte croissance. Si la Chine, Hong Kong, Singapour et d’autres pays asiatiques ont fait preuve de force d’innovation, le succès des sociétés FinTech ne se transpose que rarement sur le marché européen. Pourquoi l’Europe n’est-elle pas une destination de choix pour les entreprises FinTech asiatiques qui cherchent à se développer ?

La majeure partie de la croissance de l’industrie FinTech en Asie repose sur la fourniture de services financiers aux personnes non affiliées à un établissement bancaire ou aux institutions financières classiques. La région dispose d’une importante population équipée de smartphones. Ainsi, compte tenu de la forte demande pour des paiements numériques et de la digitalisation dans un contexte de pandémie, la FinTech s’est révélée comme une solution viable.



Singapourn une place financière majeure, illustre bien la croissance vigoureuse des start-ups liées aux technologies financières. La cité-État vise à devenir le premier pays intelligent du monde et a mis en place une stratégie cohérente pour développer son champ des technologies financières. Elle offre des subventions aux entreprises du secteur pour couvrir les coûts de la numérisation et promeut un environnement favorable aux investisseurs. L’investissement dans les FinTech à Singapour connut une croissance rapide dès 2016 et dépassa le milliard de dollars américains en 2019. Il s’agit de l’un des pays qualifiés de concurrents sérieux pour les FinTech britanniques par le récent rapport Kalifa (Kalifa Review of UK Fintech). C’est aussi l’un des endroits, avec la Chine, Hong Kong et la Corée du Sud, où le gouvernement britannique a établi des « ponts » pour attirer les FinTech asiatiques et les entreprises innovantes au Royaume-Uni.

Malgré ces efforts, de multiples entreprises asiatiques ignorent le marché européen pour leurs projets, leurs activités et leur développement international. Elles lui préfèrent d’autres écosystèmes comme les États-Unis, où l’octroi de licences pour des services financiers s’avère plus facile, l’Inde, où la population est nombreuse et les conditions favorables, ou encore l’Amérique latine, où la création d’entreprises se révèle moins chère et moins restrictive. D’autres ont été malmenées par des tentatives d’expansion sur les marchés européens et ont dû plier bagage face à une rentabilité insuffisante ou à l’impossibilité de se développer. Enfin, le fait que l’Europe ne constitue pas une destination fiable et profitable pour les affaires fait l’objet d’un certain nombre de reproches.

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Alors, qu’est-ce que les cadres FinTech asiatiques attendent de l’Europe qu’elle ne leur offre pas ? La plupart des porteurs de projets affirment qu’ils sont en quête de marchés aux régimes fiscaux favorables et de bons conseils domestiques en la matière. Bien entendu, ils recherchent des pays facilement accessibles et où le marché se montre prêt pour le produit qu’ils proposent. Des régulateurs bienveillants et coopératifs demeurent un avantage, tout comme des processus d’approbation rapides et efficaces. Une gestion locale compétente est également appréciée.

Naturellement, ces caractéristiques sont aussi réunies en Europe. Cependant, l’entreprenariat asiatique déplore en particulier la lourdeur réglementaire des régimes fiscaux de certains États européens, par rapport aux procédures plus légères de leur propre pays. Certaines juridictions européennes ne fonctionnent que dans la langue locale et non en anglais, ce qui représente un frein pour certains nouveaux arrivants de la Tech asiatiques. Mais les questions culturelles constituent bien souvent un problème. Un produit développé pour le marché asiatique peut ne pas sembler aussi attrayant ou adapté au consommateur européen. De même, des responsables d’entreprises FinTech asiatiques affirment que, même s’ils peuvent embaucher des cadres européens dotés d’une expérience pertinente, ceux-ci comprennent rarement la culture asiatique. Il en résulte une mauvaise communication entre les différentes parties de l’équipe et beaucoup de temps perdu.

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Un autre point litigieux est celui de la réglementation. Jusqu’à tout récemment, de nombreux législateurs européens supportaient les incubateurs et les projets pilotes qui encouragent et soutiennent l’innovation, dans le but de favoriser la transformation numérique. Or, depuis l’apparition du coronavirus Covid-19, bon nombre d’entre eux ont été bridés. Dans certains pays européens, il faut parfois compter trois ans pour obtenir une autorisation. Certains entrepreneurs asiatiques ont essayé de contourner cette longue attente en rachetant des sociétés titulaires de licences déjà actives, mais même ce processus peut se montrer lent, car l’approbation d’un changement de propriétaire peut prendre six mois ou plus. De surcroît, de nombreux marchés européens se trouvent aujourd’hui saturés par la présence de multiples FinTech et nouveaux services qui se livrent déjà une concurrence féroce. Si, par exemple, les FinTech allemandes peinent à s’implanter au Royaume-Uni, alors que dire des perspectives d’une entreprise asiatique ?

Cela étant, tout n’est pas perdu pour que les idées et les innovations subsistent entre l’Asie et l’Europe. Certains régulateurs institutionnels tâchent de favoriser le processus pour les acteurs étrangers sur leurs marchés. En Irlande, les autorités sollicitent un business plan et signalent dans un délai de deux à trois semaines si elles ont besoin de renseignements supplémentaires ou si elles sont susceptibles de rejeter la demande de l’entreprise. Un retour d’information aussi rapide permet de gagner du temps et de l’argent et se révèle extrêmement séduisant pour les sociétés qui cherchent à développer leurs produits financiers.

Même si le coronavirus a refroidi les investissements dans les FinTech à l’échelle internationale, les instances de nombreux pays comprennent la nécessité de prendre des mesures rapides pour relancer ce secteur de premier plan. Cette démarche est engagée en Europe et dans le reste du monde. Cela pourrait signifier que les FinTech et jeunes entreprises asiatiques feront l’objet d’un accueil plus favorable sur les marchés européens dans les mois et les années à venir afin de constituer un pôle de compétitivité.