Thaïlande : des manifestations antagonistes font craindre un retour de la violence politique

Thaïlande : des manifestations antagonistes font craindre un retour de la violence politique

Des étudiants opposés au gouvernement réunis lundi 10 août à l’université Thammasat Rangsit


Des étudiants opposés au gouvernement réunis lundi 10 août à l’université Thammasat Rangsit

Des mouvements de protestation rivaux se sont réunis à Bangkok et ses environs ces derniers jours, faisant monter la température politique, avec des manifestations étudiantes antigouvernementales quasi quotidiennes à travers le pays. Une situation qui préoccupe quant à un retour de la violence politique dans les rues de Thaïlande.

Lundi, devant le Parlement, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées pour soutenir le Cabinet du général Prayut Chan-o-cha.

Parallèlement, de nombreuses autres (les chiffres divergent, probablement quelques centaines ou quelques milliers) se sont jointes à une manifestation antigouvernementale à l’université Thammasat Rangsit, dans la banlieue nord de Bangkok. Il s’agit sans doute de la plus grande mobilisation récemment organisée par des étudiants pour contester le pouvoir exécutif et le système en place.

Signe d’une intensification de l’action contre le mouvement étudiant, un ancien militant nationaliste, Sumet Trakulwoonnoo, 46 ans, a annoncé la création d’une nouvelle organisation progouvernementale, le Centre de coordination des étudiants en formation professionnelle pour la protection des institutions nationales.

« Un groupe de personnes incite de jeunes mineurs à sortir et à attaquer l’armée, le gouvernement et aussi à impliquer la monarchie, ce qui pourrait conduire à des violences et à la destruction de notre système de gouvernance et de notre culture », estime M. Sumet.

« Nous nous organisons pour rappeler aux groupes de jeunes, aux parents, aux enseignants et aux fonctionnaires le danger que représentent pour la Nation ces personnes qui incitent les jeunes à devenir athées et obsédés par la culture occidentale, à se droguer et à haïr leurs parents et leurs enseignants », ajoute-t-il.



Un climat politique qui se tend

Les manifestants hostiles au pouvoir en place ont multiplié les allusions masquées à la monarchie, un sujet hautement délicat en Thaïlande, avec des appels à sa réforme récemment lancés par des orateurs lors des rassemblements.

Les étudiants accusent en outre les partisans du gouvernement de chercher la confrontation en vue d’une nouvelle intervention militaire.

« Ils ont organisé une contre-manifestation aujourd’hui pour créer des conditions qui pourraient nous mener à un autre coup d’État », a expliqué lundi à la foule Nick Thanawit, activiste de l’université de Maha Sarakham.

« Nous ne voulons pas de cela et nous nous y opposerons », ajoute-t-il.

Le général Prayut a pour sa part affirmé que son administration cherchait à offrir aux groupes politiques les moyens d’exprimer leurs points de vue, mais il s’est aussi dit préoccupé par les risques d’affrontement.

Si la réaction des autorités aux manifestations antigouvernementales demeure relativement limitée pour l’heure, deux militants ont été arrêtés vendredi dernier pour sédition et violation des restrictions destinées à lutter contre la propagation du coronavirus Covid-19. En réponse, plus d’un millier de personnes se sont rassemblées samedi à Bangkok.

Ils ont finalement été libérés sous caution.

L’ONG Human Rights Watch affirme de son côté que les manifestants sont victimes de persécution dans le pays.

« Les poursuites judiciaires et le harcèlement s’intensifient malgré les promesses du Premier ministre Prayut selon lesquelles l’exécutif écouterait les demandes et les préoccupations des opposants », explique ainsi Sunai Phasuk.

La porte-parole adjointe du gouvernement, Rachada Dhnadirek, dément les accusations de bâillonnement du mouvement étudiant.

Mais « nous ne voulons pas voir de violence ou de discours qui dépassent les limites de la loi », précise-t-elle à Reuters.