Thaïlande : la formation d’un nouveau gouvernement apaise les tensions, mais la situation économique demeure incertaine

Thaïlande : la formation d'un nouveau gouvernement apaise les tensions, mais la situation économique demeure incertaine
Le nouveau gouvernement de Prayut Chan-o-cha a été investi 108 jours après les élections, mais des doutes subsistent quant à la stabilité de sa coalition (Photo : TNA Mcot)

La formation du nouveau gouvernement thaïlandais a permis de lever certaines incertitudes politiques, mais des interrogations subsistent quant à sa capacité réelle à stimuler la croissance sur le long terme, alors que l’économie du pays accuse un certain retard face aux voisins régionaux.

Le mercredi 10 juillet, S.M. le Roi Maha Vajiralongkorn a confirmé la nomination au poste de Premier ministre de Prayut Chan-o-cha, ancien chef de la junte militaire. Ce dernier prend donc les rênes du pouvoir au sein d’une coalition fragile de 19 partis, 108 jours après des élections législatives controversées.

Si certains visages familiers laissent présager une certaine continuité avec les politiques menées depuis cinq ans à Bangkok, l’adoption de certaines mesures par le Parlement pourrait s’avérer difficile, en raison de la faible majorité du nouveau gouvernement à la Chambre des représentants, estiment certains analystes.

L’un des postes les plus importants, celui de vice-Premier ministre en charge des questions économiques, a été conservé par Somkid Jatusripitak, déjà en place dans le gouvernement militaire sortant.

Le poste de ministre des Finances sera quant à lui occupé par Uttama Savanayana. Celui-ci dirige le Palang Pracharat, parti ayant soutenu Prayut, et fut également le ministre de l’Industrie de la junte, après une carrière dans le secteur privé.

« Je reste positif », a déclaré Sarun Sunansathaporn, économiste à la Bank of Ayudhya, qui prévoit une croissance annuelle de seulement 2,4 % au deuxième trimestre et de 3,2 % sur l’année. « Cela signifie que les politiques menées précédemment par la junte se poursuivront. »

« Ils doivent également mettre en place des mesures économiques pour renforcer la confiance des investisseurs, car l’économie a été particulièrement mauvaise au premier semestre », a-t-il ajouté.

La deuxième économie d’Asie du Sud-Est a connu une croissance de 2,8 % en glissement annuel au premier trimestre, soit son niveau le plus faible depuis 2014. Les investissements publics, les exportations et le tourisme ont souffert de la montée des tensions commerciales à l’échelle mondiale et des incertitudes politiques intérieures.

La croissance de 4,1 % enregistrée l’an dernier fut la plus vigoureuse en six ans. Mais au niveau régional, seule Singapour affichait un rythme plus faible.

Le climat des affaires a également fléchi en mai, tandis que la confiance des consommateurs a atteint son plus bas niveau depuis 21 mois en juin.

Les « mégaprojets » du gouvernement thaïlandais

« Les nouveaux venus au sein du Cabinet rassurent le secteur privé quant à la réalisation de mégaprojets pour les infrastructures. Ils doivent également se pencher d’urgence sur les problèmes des agriculteurs », a déclaré Supant Mongkolsuthree, président de la Fédération des industries thaïlandaises.

« Cependant, la confiance est une chose, qu’ils fassent leur travail en est une autre », a-t-il poursuivi, cité par Reuters.

Le nouveau gouvernement devrait proposer des mesures de relance pour un montant de 100 milliards de bahts (environ 2,9 milliards d’euros). Cela pourrait stimuler la croissance de 0,7 %, selon Thanavath Phonvichai de l’Université de la chambre de commerce thaïlandaise.

Mercredi, le vice-Premier ministre Somkid a indiqué que la coalition discuterait de mesures de relance afin de compenser le retard du prochain budget de l’État, qui doit être présenté en octobre.

Mais la capacité du Cabinet à mener à bien certains projets, comme l’Eastern Economic Corridor (Corridor économique de l’est) évalué à environ 40 milliards d’euros, soulève également des inquiétudes.

Le monde des affaires s’est déjà plaint de retards dans les dépenses publiques, y compris sous la junte. Et désormais, les grandes décisions devront aussi passer par un Parlement où la coalition ne dispose que d’une faible majorité.

Charnon Boonnuch, économiste chez Nomura à Singapour, s’est montré sceptique quant à la capacité du nouveau gouvernement à adopter les réformes nécessaires et à attirer les investissements.

Un autre économiste de la cité-État, Prakash Sakpal de la banque ING, a déclaré : « le test de vulnérabilité interviendra probablement lors des votes de textes clés au Parlement ».