La Commission électorale de Thaïlande continue de naviguer en eaux troubles, avec près d’un million de signatures réunies pour réclamer la démission de ses membres et des manifestations organisées dimanche pour dénoncer son mode de fonctionnement.
L’ancienne commissaire électorale Sodsri Satayathum a demandé à l’agence d’apporter des clarifications au plus vite, avant qu’une procédure de destitution ne soit initiée par les pétitionnaires. Elle a également averti que si les membres devaient être relevés de leurs fonctions, l’annonce des résultats définitifs du scrutin pourrait être retardée.
Une semaine tout juste après les élections législatives, des étudiants et d’autres citoyens ont exprimé leur impatience face à l’incapacité de la Commission à proclamer les résultats définitifs. Des divergences dans les chiffres fournis ont éveillé de nombreux soupçons, alors qu’aucune explication crédible n’a été apportée pour apaiser la frustration de la population.
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La Commission électorale n’a pas non plus réussi à lutter contre les « fake news » et les quiproquos largement diffusés sur internet. Chaque déclaration publiée sur sa page Facebook n’a en effet rencontré que des réactions toujours plus virulentes.
Plus de 830 000 personnes ont signé une pétition sur change.org pour demander la destitution des sept commissaires. Des étudiants de tout le pays ont aussi défié les autorités académiques et gouvernementales en dressant des tables pour recueillir des signatures supplémentaires.
Dimanche, des manifestants se sont rassemblés à Bangkok sur la passerelle surplombant le Monument de la Victoire et autour de l’intersaction Ratchaprasong, pour protester contre le manque de transparence dans la tenue du scrutin et les dysfonctionnements de la Commission.
Une action en justice contre la Commission pourrait retarder le processus post-électoral
Cependant, ce mécontentement risque de n’avoir aucun impact juridique réel, selon l’association iLaw, qui surveille les droits et la législation.
La Constitution actuelle rejette les pétitions publiques contre les agences indépendantes, a expliqué l’association, ajoutant que les plaintes devaient plutôt être adressées à la Commission nationale anti-corruption (NACC). Cette dernière a en effet le pouvoir de traiter les accusations portées et de les transmettre à la justice si nécessaire.
Alors que le grand public gronde et réclame que la Commission soit tenue responsable des lacunes constatées et du manque de transparence, l’ancienne commissaire Sodsri doute que la destitution soit une solution raisonnable à ce stade.
« Les citoyens ont la possibilité de porter l’affaire devant la NACC », a-t-elle expliqué. « Cependant, si la NACC accepte la plainte et la transmet à la justice, les commissaires se verront peut-être suspendus de leurs fonctions. » Il faudra sans doute beaucoup de temps avant que la NACC et le tribunal ne tirent leurs conclusions, a-t-elle ajouté. Selon Mme Sodsri, cela n’invalidera peut-être pas complètement le scrutin, mais la suspension des commissaires pourrait perturber la validation des résultats définitifs et retarder d’autres processus post-électoraux.
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Avec la pression croissante de l’opinion publique sur la Commission électorale, l’experte a déclaré qu’elle craignait également que cela ne se traduise par une nouvelle crise politique. Des partis pourraient exiger de nouvelles élections. D’autres pourraient appeler à des manifestations dans les rues pour tenter de justifier un nouveau coup d’État.
Il serait préférable que la Commission clarifie tout dans les moindres détails, a estimé Mme Sodsri. Elle a suggéré que, dans les circonscriptions où les résultats sont contestés, l’agence rouvre les urnes et dissipe tout doute.
Mme Sodsri a également averti que la destitution des commissaires entraverait les activités post-électorales et qu’entre-temps, la junte continuerait à tenir les rênes du pouvoir.