Prenez garde aux informations que vous partagez sur les réseaux sociaux en Thaïlande, le pays a en effet officiellement ouvert son centre anti-fake news le vendredi 1er novembre. Cette nouvelle initiative pourrait renforcer encore un peu plus le contrôle gouvernemental sur un large éventail de contenus en ligne.
Annoncée il y a quelques semaines, cette décision survient alors que la Thaïlande compte sur l’économie numérique pour stimuler la croissance, au beau milieu de tensions politiques domestiques. Celles-ci font suite aux élections controversées de mars dernier qui ont permis d’installer le chef du coup d’État de 2014, Prayut Chan-o-cha, au poste de Premier ministre d’un exécutif civil.
La Thaïlande a récemment multiplié les accusations de cybercriminalité à l’égard de ce qu’elle considère comme de la désinformation préjudiciable à la sécurité nationale. Les contenus concernés visent essentiellement les opinions critiques contre le gouvernement, l’armée et la Monarchie.
Le ministre de l’Économie numérique et de la Société, Puttipong Punnakanta, a donné une définition assez vague des fake news. Selon lui, il s’agit de toute information virale sur internet qui induit les gens en erreur ou qui nuit à l’image du pays. Il n’a toutefois fait aucune distinction entre les fausses nouvelles sans intention préjudiciable et la désinformation délibérée.
Le centre anti-fake news, pas un outil politique
« Le centre n’est pas destiné à devenir un outil de soutien au gouvernement ou à qui que ce soit d’autre », a déclaré M. Puttipong.
Aménagé comme une véritable cellule de crise, celui-ci surveille et enregistre les dernières fake news et les tendances des hashtags sur Twitter.
Une trentaine d’employés travaillent simultanément à l’examen des contenus en ligne. Ceux-ci collectent des données par le biais d’outils « d’écoute » des médias sociaux.
Ces agents ciblent en outre les informations sur les politiques et activités du gouvernement. Tout élément qui affecte « la paix et l’ordre, les bonnes mœurs et la sécurité nationale », a précisé M. Puttipong à Reuters.
S’ils soupçonnent que quelque chose est faux, ils le signaleront aux autorités compétentes. Puis, des corrections seront publiées par l’intermédiaire des plateformes de réseaux sociaux et du site officiel, ainsi que par le biais de la presse.
Outil de censure et de propagande
Plusieurs groupes civils et défenseurs de la liberté des médias craignent en outre que le gouvernement de Bangkok n’utilise ce centre comme un outil de bâillonnement et de propagande.
« Dans le contexte thaïlandais, le terme fake news est employé pour censurer les dissidents et restreindre notre liberté en ligne », a déclaré Emilie Pradichit, directrice de la Fondation Manushya, basée en Thaïlande, qui défend avant tout les droits sur internet.
Mme Pradichit estime que cette mesure pourrait être utilisée pour codifier la censure, tout en ajoutant que le centre permettrait au gouvernement d’être « l’arbitre unique de la vérité ».
Des rapports indiquent que les autorités thaïlandaises ont multiplié les demandes auprès des sociétés internet, comme Google et Facebook, afin de supprimer des contenus ou transmettre des renseignements depuis la prise du pouvoir par l’armée en 2014.