Manifestations en Thaïlande : au moins 55 personnes blessées au cours du rassemblement le plus violent depuis l’émergence du mouvement prodémocratie


Au moins 55 personnes ont été blessées, certaines par balles, au cours d’affrontements entre opposants au gouvernement, contre-manifestants ultraroyalistes et forces de l’ordre, autour du Parlement de Thaïlande hier (17 novembre). Ces événements apparaissent comme les plus violents depuis l’émergence, il y a plusieurs mois, du mouvement prodémocratie mené par des étudiants.

La police a fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogène pour arrêter les manifestants qui tentaient de franchir les barricades constituées de fils barbelés et de blocs de béton à l’extérieur du Parlement. Les autorités ont nié avoir ouvert le feu avec des balles réelles ou en caoutchouc, et ont affirmé qu’elles enquêtaient sur les personnes impliquées dans l’utilisation d’armes à feu.

Le mouvement de protestation appelle à une profonde réforme constitutionnelle d’un système qui, selon eux, consacre le pouvoir des militaires. Il apparaît désormais comme le plus grand défi lancé au régime thaïlandais depuis plusieurs années.



Ils réclament en outre la destitution du Premier ministre Prayuth Chan-o-cha — ancien chef de l’armée — et la limitation des pouvoirs du roi Maha Vajiralongkorn.

Plusieurs milliers de manifestants ont convergé vers le Parlement pour faire pression sur les législateurs qui étaient en train de discuter d’éventuels changements à la Constitution.

Selon le centre des services médicaux d’urgence Erawan de Bangkok, au moins 55 personnes ont été blessées hier. Parmi elles, 32 présentaient des symptômes liés aux gaz lacrymogènes et six ont été blessées par balle. Aucune confirmation n’a été apportée quant à l’origine des tirs.

« Nous avons tenté d’éviter les affrontements », estime le chef adjoint de la police de Bangkok, Piya Tavichai. Il explique que ses services ont essayé de repousser les manifestants du Parlement et de les séparer des contre-manifestants royalistes habillés en jaune.



Les contestataires, vêtus d’équipements de protection individuelle, ont affronté les forces de l’ordre à l’aide de boucliers de fortune, dont des canards pneumatiques. Après près de six heures de confrontation, la police s’est retirée et a même abandonné ses camions et d’autres véhicules, que les participants ont alors escaladés et recouverts de graffitis.

« J’annonce maintenant une intensification des manifestations. Nous ne céderons pas. Il n’y aura pas de compromis », a lancé Parit « Penguin » Chiwarak à la foule réunie aux portes du Parlement, avant que les manifestants ne se dispersent dans la soirée.



Un nouveau rassemblement est prévu aujourd’hui (18 novembre) dans le centre de Bangkok.

Le porte-parole du gouvernement, Anucha Burapachaisri, a déclaré que la police avait été contrainte d’utiliser des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour assurer la sécurité des parlementaires.

Le Premier ministre Prayut est arrivé au pouvoir en tant que chef d’une junte militaire en 2014 et il s’est maintenu en fonction après des élections l’année dernière. Celui-ci rejette par ailleurs les accusations de l’opposition selon lesquelles ce scrutin était entaché d’irrégularités.



Les législateurs ont débattu de plusieurs propositions de réforme constitutionnelle, la plupart d’entre elles excluant la possibilité de modifier le rôle de la monarchie en Thaïlande.

L’influence du Sénat est aussi sujette à discussion. En effet, il fut intégralement choisi par l’ancienne junte de Prayut et a en conséquence contribué à ce que celui-ci conserve son pouvoir, en disposant d’une majorité parlementaire malgré le vote contesté de 2019.



Certains manifestants ont également affronté des royalistes qui étaient restés sur place à la suite d’un rassemblement plus tôt dans la journée, organisé par des mouvements ultraconservateurs qui appelaient les parlementaires à ne pas toucher à la Constitution.

« Modifier la Constitution va conduire à l’abolition de la monarchie », affirme le leader royaliste Warong Dechgitvigrom. Les protestataires ont toutefois déjà déclaré qu’ils ne cherchaient pas à faire disparaître la monarchie de Thaïlande, mais à la réformer.