Thaïlande : trois membres du gouvernement de Prayut quittent leurs fonctions après leur condamnation pour sédition par la justice

Thaïlande : trois membres du gouvernement de Prayut quittent leurs fonctions après leur condamnation pour sédition par la justice

(Photo : The Standard)

Trois ministres du gouvernement de Prayut Chan-o-cha ont été contraints de quitter leur poste mercredi (24 février 2021), après avoir été reconnus coupables de sédition par la justice. Les faits remontent aux manifestations de 2013-2014, parfois violentes, menées contre l’exécutif en place à l’époque.

Le tribunal pénal de Bangkok a déclaré fautifs le ministre de l’Économie numérique, Buddhipongse Punnakanta, le ministre de l’Éducation, Nataphol Teepsuwan et le ministre adjoint des Transports, Thaworn Senneam. Une vingtaine d’autres accusés ont également été jugés coupables dans le cadre de cette affaire ouverte en 2018.

Nataphol figurait parmi les 10 membres du gouvernement qui avaient survécu à une motion de censure du Parlement le samedi précédent.

Même si ces verdicts peuvent faire l’objet d’un appel en seconde instance, la loi oblige les ministres à quitter leur poste immédiatement.

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Par ailleurs, une autre personnalité notable a été condamnée mercredi : Suthep Thueaksuban. Cet ancien vice-Premier ministre avait participé à la création du Comité de réforme démocratique du peuple (People’s Democratic Reform Committee – PDRC) et dirigé les manifestations contre le gouvernement élu de la Première ministre de l’époque, Yingluck Shinawatra. L’instabilité causée par ces mouvements de rue avait préparé la voie au coup d’État de l’armée thaïlandaise en 2014 et au maintien au pouvoir de la junte militaire jusqu’en 2019.

Suthep et les ministres devront purger des peines de prison qui varient de cinq à sept ans. Un autre accusé important, Suwit Thongprasert, qui était un moine bouddhiste connu sous le nom de Buddha Issara pendant les manifestations, a été condamné à 4 ans et 8 mois de prison. Tous ont été placés en détention préventive dans l’attente des procédures d’appel.


Suthep Thueaksuban, s’exprimant sur une scène devant Victory Monument, à Bangkok, pendant les manifestations de 2013-2014

« Nous sommes prêts. Ce qui doit arriver arrivera », avait déclaré Suthep à l’extérieur du tribunal. « Mais je dois vous assurer que les leaders des protestations et ceux qui partagent nos convictions se battent pour notre pays et notre terre. Nous croyons fermement qu’il faut être responsable de nos actes et ne pas enfreindre la loi. »

Ces manifestations marquèrent la fin de près d’une décennie de luttes politiques acharnées en Thaïlande, qui avait débuté en 2006 après que le Premier ministre de l’époque, Thaksin Shinawatra, fut renversé par un coup d’État après avoir été accusé de corruption et d’abus de pouvoir. Thaksin est le frère de Yingluck, et tous deux vivent actuellement en exil.

L’éviction de Thaksin déclencha des années de crises politiques parfois violentes entre ses partisans et ses opposants. Les deux camps se livrèrent à des manifestations de rue agressives en opposition aux gouvernements dirigés par la faction de l’autre. Le Comité de réforme démocratique du peuple se trouvait dans le clan anti-Thaksin, et, dans une incarnation précédente, l’Alliance populaire pour la démocratie (People’s Alliance for Democracy – PAD), avait pris possession des bureaux du Premier ministre et de l’aéroport international de Bangkok-Suvarnabhumi pendant près d’une semaine en 2008.

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Les partisans de Thaksin étaient connus sous le nom de « Chemises rouges ». En 2010, ils causèrent des dégâts majeurs pendant l’occupation d’une partie du centre-ville de Bangkok. Leurs manifestations avaient alors été réprimées par l’armée, au cours de plusieurs semaines de violences qui avaient fait près de cent morts.

Mercredi, le tribunal a abandonné les accusations d’insurrection et de terrorisme contre les prévenus. La cour a en effet estimé qu’ils n’avaient pas fait usage de la force dans le but de blesser autrui.

Par ailleurs, Suthep et les autres inculpés ont été reconnus coupables de divers chefs d’accusation de moindre importance, assortis de peines de prison qui ne dépassent pas quatre mois. La justice a prononcé un sursis de deux ans pour douze personnes considérées comme des participants plutôt que des leaders des manifestations.