La Thaïlande est l’un des pays qui compte le plus de cas de coronavirus en dehors de la Chine. Pourtant, l’économie se trouvait déjà en difficulté avant l’apparition de cette maladie. Le Royaume, largement tributaire des exportations, a également souffert de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine et d’un baht trop fort.
À cela viennent s’ajouter les restrictions imposées par Pékin aux voyageurs chinois — qui se taillent en effet la part du lion des arrivées en Thaïlande — ainsi que les contrecoups collatéraux sur les autres touristes et une récession qui apparaît désormais inéluctable.
Depuis quelque temps déjà, la Thaïlande accuse un retard par rapport à ses voisins d’Asie du Sud-Est. Si les troubles politiques constituent un frein évident, il existe des facteurs supplémentaires : le vieillissement de la population, la faible productivité, la stagnation de la consommation et l’endettement des ménages. Pour 2019, la banque centrale prévoit désormais une croissance du PIB de 2,5 %. Ce taux se révèle nettement inférieur à celui de pays comme la Malaisie et l’Indonésie, et il s’agit même du plus faible depuis 2014, année de la prise du pouvoir par une junte militaire lors d’un coup d’État.
L’an dernier, les exportations se sont également contractées, notamment dans le secteur clé de l’automobile. La Thaïlande est une plaque tournante régionale pour les constructeurs tels que Nissan ou Toyota. Ceux-ci ont été touchés par la faiblesse de la demande sur les principaux marchés.
Le baht nuit à l’économie thaïlandaise
La devise thaïlandaise a enregistré des performances exceptionnelles en 2019, et ce malgré les efforts des décideurs politiques. Cette tendance s’explique par un excédent important de la balance commerciale, une faible inflation et des réserves de change qui atteignent des sommets. La chute du baht ces dernières semaines est l’un des rares effets secondaires positifs engendrés par l’épidémie de coronavirus. En novembre, Bangkok a assoupli les règles relatives aux sorties de capitaux afin de tenter de relâcher la pression. Mais les autorités savent que de trop nombreuses interventions pourraient inciter Washington à inscrire la Thaïlande sur sa liste des pays manipulateurs de devises.
De surcroît, les mesures de relance, dont la mise en place de projets d’infrastructure, ont été retardées par des querelles relatives au budget du gouvernement pour 2020. Une réduction prochaine des taux d’intérêt — déjà à un niveau record de 1 % — semble plausible.
L’année démarre donc dans de mauvaises dispositions. À ce jour, 19 cas de coronavirus ont été confirmés et de nombreuses personnes demeurent sous surveillance. Bien que la quasi-totalité des patients sont des voyageurs chinois, la maladie se propage rapidement, ce qui laisse présager une aggravation de la situation. Au troisième trimestre 2019, l’économie n’a progressé que de 0,1 % par rapport à celui précédent. Selon les analystes, les chiffres du quatrième trimestre pourraient même glisser dans la zone rouge. Une nouvelle contraction au cours des premiers mois de l’année 2020 précipiterait la Thaïlande dans une récession technique.
La première menace, et la plus directe, concerne le tourisme. Cette industrie représente près d’un cinquième du PIB de la Thaïlande. Avec le baht fort, d’autres destinations sont devenues moins chères. Les voyageurs chinois, qui étaient censés affluer à nouveau à mesure que l’impact de la catastrophe maritime survenue au large de Phuket en 2018 s’estompait, ne sont revenus que trop timidement.
La Chine suspend ses circuits touristiques
Le 24 janvier, les agences ont reçu l’ordre de cesser de commercialiser des voyages organisés à destination de l’étranger. Bien que de nombreux Chinois continuent de s’aventurer seuls, la moitié se déplace en groupe. Le ministère thaïlandais des Finances a mis en garde contre le fait que le « 2019-nCoV » et les mesures de restriction associées pourraient se traduire par plusieurs centaines de milliers de visiteurs en moins pour le Royaume. Selon les autorités touristiques, la chute la plus brutale concernera évidemment les Chinois.
En pleine haute-saison, cela signifie aussi un coup de massue pour la Thaïlande. Selon les dernières estimations, la Chine constitue le principal pourvoyeur de visiteurs, près de 11 millions de personnes en 2019. Ceux-ci consomment également bien plus que les autres. Au total, la valeur de ces voyages était évaluée à quelque 18 milliards de dollars l’année dernière. Cela représente plus du quart des dépenses des visiteurs étrangers.
Compte tenu des répercussions sur les autres nationalités, les analystes ont réduit leurs prévisions d’évolution du nombre de touristes pour 2020 de 6,5 % à 0,5 %. Il existe en outre des retombées secondaires plus difficiles à mesurer, comme le ralentissement de la croissance chinoise sur l’ensemble de la région, sur la conjoncture économique mondiale et sur le commerce. La consommation, elle aussi, devrait en pâtir.
L’économie thaïlandaise largement tributaire du tourisme chinois
L’expérience acquise lors du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), qui a paralysé la région en 2003, offre toutefois une certaine consolation. À l’époque, les économies les plus touchées, notamment Hong Kong, avaient su rapidement relever la tête et retrouver leurs niveaux antérieurs au SRAS. Cette fois, la Chine semble avoir réagi de façon coordonnée plus activement. Elle est également mieux équipée et le virus paraît moins meurtrier.
Mais l’ampleur de l’épidémie reste pour l’heure difficile à quantifier. La Chine et le tourisme occupent une part plus importante que jamais dans l’économie thaïlandaise. En outre, la sécheresse affecte les agriculteurs et les problèmes budgétaires ont retardé la mise en place des mesures de relance pourtant indispensables. Enfin, les actions thaïlandaises ont enregistré ces derniers jours leur plus forte baisse depuis 2016.