La France a été sacrée depuis plusieurs décennies comme le leader absolu de la natalité en Europe, mais les données de ces dernières années sont inquiétantes car elles indiquent une baisse répétée du nombre des naissances.
En 2018, ce chiffre a diminué pour la quatrième année consécutive : 758 000 nouveaux-nés ont été recensés, soit 12 000 de moins qu’en 2017, ce qui représente un taux 11,40 naissances pour 1 000 habitants.
Depuis les années 90, le pays a su conserver une tendance stable de son taux de natalité, qui se situait entre 12 et 13 pour mille, mais en 2017, celui-ci est tombé à 11,70 pour mille.
Le taux de fécondité reflète également ce phénomène, puisqu’il oscille depuis des années autour de deux enfants par femme. Il a parfois dépassé ce seuil, comme en 2011 et 2012, avec 2,1, mais il a récemment enregistré une dynamique baissière, à 1,87, en 2018.
Malgré cette tendance, la France reste le pays européen où le taux de natalité est le plus élevé, ce qui attire depuis des années l’attention des spécialistes et des habitants de la région.
L’énigme française
Une analyse de la conjoncture dans les pays développés au cours des dernières décennies a révélé qu’une meilleure intégration des femmes dans l’éducation, le marché du travail et la vie sociale entraînait une baisse du taux de natalité.
Cependant, la France est une exception à la règle : bien qu’elle soit l’un des pays les plus développés d’Europe, avec des niveaux élevés sur le plan de l’éducation et du travail des femmes, elle est parvenue à obtenir des résultats positifs sur la question des naissances.
Comment la Gaule parvient-elle à de tels résultats ? Plusieurs réponses à cette question sont possibles et de nombreux spécialistes soulignent un aspect culturel, dans un pays où une grande partie de la population accorde de l’importance au fait d’avoir une famille nombreuse.
Il y a quelques jours, à l’occasion de la publication des chiffres de 2018, l’Union nationale des associations familiales (UNAF) a indiqué que malgré la baisse des naissances, les Français en âge de procréer sont majoritairement favorables au fait d’avoir des enfants.
D’autres experts, comme Laurent Toulemon de l’Institut national d’études démographiques, soulignent la souplesse des conceptions socioculturelles, la notion de « famille » étant beaucoup moins rigide et restrictive que dans d’autres pays.
En ce sens, des points tels que le fait que la conception d’un enfant hors mariage ou une prise en charge des enfants plus libérale sont mis en avant.
D’autre part, le phénomène de la natalité en France est également lié aux politiques favorables menées par les gouvernements successifs au cours des dernières décennies.
Par exemple, les soins médicaux de maternité sont couverts à 100 % par la sécurité sociale, ou bien encore l’État fournit une aide financière aux familles proportionnellement au nombre d’enfants.
D’une manière générale, on estime que l’État français consacre 4 % de son produit intérieur brut aux aides accordées aux familles.
D’autres éléments qui encouragent la natalité sont la possibilité de prendre des congés de maternité et de paternité, ou la présence de nombreuses crèches pour les jeunes enfants qui facilitent le retour des mères dans la vie active.
Une performance menacée
Malgré ces circonstances favorables, le pays constate une tendance à la baisse des naissances qui, selon les spécialistes, s’explique par la détérioration de la situation socio-économique et un climat d’incertitude.
Selon l’UNAF, les familles ont de moins en moins confiance en l’avenir et craignent une dégradation de la qualité de vie pour leurs enfants.
Les analystes font référence à divers facteurs tels que la persistance du chômage de masse depuis de nombreuses années (environ 10 %) et la difficulté pour les jeunes de décrocher un emploi attrayant malgré un niveau de formation élevé.
La baisse du pouvoir d’achat et, par conséquent, la détérioration des salaires, qui constitue l’une des principales préoccupations, est également mentionnée.
Comme le soulignent de nombreux experts, cette problématique est liée à la stagnation de ce que l’on appelle « l’ascenseur social » : dans la seconde moitié du siècle dernier, la société française était marquée par l’idée que grâce à une éducation et un emploi de qualité, les enfants pouvaient avoir une vie meilleure que leurs parents et progresser dans l’échelle sociale.
Cependant, au cours des dernières décennies, cet ascenseur a cessé de fonctionner comme avant et, dans bien des cas, les générations actuelles doivent composer avec des vies beaucoup plus précaires que celles de leurs parents sur le plan économique.
Les spécialistes conviennent que dans ce contexte, et si les autorités ne réagissent pas immédiatement et efficacement pour rétablir un climat favorable au développement familial, le pays se heurtera à une diminution continue des naissances.