La Banque de Thaïlande a diminué ce mois-ci le volume de ses émissions obligataires à court terme dans une tentative visant à freiner la hausse rapide du baht, la devise nationale ayant atteint son plus haut niveau depuis six ans face au dollar.
La banque centrale n’a pas explicitement mentionné que la diminution des émissions d’obligations à court terme avait pour but de réguler l’évolution du baht thaïlandais. Cependant, les marchés ont perçu ce mouvement comme une tentative de ralentir les entrées de capitaux.
« La réduction des émissions obligataires à court terme de la Banque de Thaïlande pourrait être l’une des premières mesures visant à freiner la progression du baht », estime le centre de recherche de la banque Kasikorn.
Le 1er juillet, le baht a atteint son plus haut niveau en six ans à 30,52 bahts contre 1 dollar, avant de s’affaiblir très légèrement à un taux compris entre 30,60 et 30,70 les jours suivants, en réponse aux annonces faites par la banque centrale.
Cette dernière a diminué son offre d’obligations à court terme, notamment à trois mois, six mois et un an. Le volume des obligations à trois et six mois sera réduit de 5 milliards de bahts (environ 143 millions d’euros) par semaine en juillet et celles à un an de 10 milliards (environ 286 millions).
La Thaïlande, un pays refuge
Mme Thitima Chucherd, économiste à la Banque de Thaïlande, a attribué la hausse du baht aux afflux de capitaux qui se sont déplacés vers des actifs refuges, notamment en Thaïlande.
Elle a indiqué que, lors des périodes de turbulences financières sur les marchés, les investisseurs internationaux tendaient à privilégier une approche prudente en vendant leurs actifs afin d’éviter les risques et en se dirigeant vers des valeurs telles que les obligations libellées en devises refuges.
Par exemple, lorsque le président américain Donald Trump a annoncé le 5 mai dernier la mise en place de tarifs douaniers pour 200 milliards de dollars de produits chinois, l’indice de volatilité a atteint 25 %. Les investisseurs ont écoulé leurs actifs et leurs obligations sur certains marchés et ont placé leur argent sur ceux considérés comme sûrs. Depuis deux mois, la Thaïlande enregistre un afflux de capitaux vers ses marchés obligataires et boursiers.
Les investisseurs internationaux considèrent la Thaïlande comme un pays refuge en raison de la solidité de ses fondamentaux économiques, étayés par l’excédent de sa balance courante et les perspectives d’attirer des investissements étrangers directs grâce aux méga-projets du gouvernement et au Corridor économique de l’Est (Eastern Economic Corridor).
Ces facteurs ont fait bondir la valeur du baht thaïlandais malgré un contexte de turbulences sur les marchés financiers qui a incité les banques centrales de certains pays en déficit courant, comme la Turquie, l’Argentine et le Brésil, à renforcer leur politique monétaire. L’Indonésie a par exemple augmenté ses taux d’intérêt six fois pour un total de 175 points de base l’an dernier afin de protéger la roupie.
La Thaïlande est ainsi devenue l’un des pays les plus performants, même si le relèvement de son taux directeur fut particulièrement tardif. Bangkok a fait passer son taux d’intérêt à 1,75 % en décembre 2018, soit la première hausse depuis 2011.
Malgré cela, les capitaux internationaux ont continué d’affluer vers les actifs thaïlandais, propulsant encore la valeur du baht vers le haut. Et ce, en dépit du fait que les obligations thaïlandaises, tant à court terme qu’à long terme, sont perçues comme des titres de créance à faible rendement.
Marché émergent fragile
Cependant, Mme Thitima a averti que ces facteurs ne pourraient être que temporaires. Si un incident devait inciter les investisseurs à changer leur perception de la Thaïlande, passant du statut de pays refuge à celui de marché émergent fragile, elle pourrait également être confrontée à des sorties soudaines de capitaux susceptibles de provoquer une crise encore plus profonde.
Elle a suggéré que le pays suive de près et comprenne la structure des mouvements de capitaux afin d’éviter les risques sur les marchés financiers, car ils peuvent avoir une incidence sur les prix des actifs, la capacité des entreprises thaïlandaises à lever des fonds, le climat commercial, les investissements et l’emploi.
La vigueur du baht a déjà porté un coup dur aux exportations, qui devraient enregistrer une croissance nulle, voire négative cette année.
Le centre de recherche Kasikorn a également suggéré qu’une attention particulière soit accordée aux négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine, qui ne manqueront pas de bouleverser les perspectives économiques. Si Washington et Pékin ne parviennent pas à régler leurs différends, la Réserve fédérale américaine pourrait réduire les taux pour soutenir l’économie, ce qui influerait sur la valeur du dollar américain et donc sur celle du baht thaïlandais.
En outre, bien que le Comité de politique monétaire ait décidé, lors de sa réunion du mois dernier, de maintenir ses taux inchangés, certains craignent que le baht thaïlandais ne progresse encore au-delà de ses valeurs de référence.