Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi après-midi dans le centre de Bangkok pour la plus grande manifestation depuis le coup d’État de 2014. L’opposant et chef du Parti du nouvel avenir (Future Forward Party), Thanathorn Juangroongruangkit, a déclaré qu’il ne s’agissait que du début de son action de lutte contre le pouvoir qu’il juge antidémocratique.
Alors que les quelques appels à la mobilisation étaient rapidement étouffés depuis le coup d’État de 2014, la manifestation de samedi s’est révélée la plus importante depuis plusieurs années.
Les nombreux participants se sont rassemblés sur la passerelle de l’intersection Pathumwan et dans les rues environnantes en guise de réponse à l’appel de M. Thanathorn. Ils ont ensuite « fait du bruit » contre les tentatives juridiques qui visent à dissoudre son jeune parti, en dépit de sa performance aux élections de mars dernier.
« Le cadeau de Nouvel An qui comblera le plus le peuple thaïlandais est la démission de M. Prayuth de son poste de Premier ministre », a déclaré M. Thanathorn à la foule lors du rassemblement. Ces propos font référence au général Prayut Chan-o-cha, qui s’est emparé du pouvoir en 2014 et s’est maintenu par les urnes au poste de Premier ministre à la suite des élections de mars dernier.
De nombreux slogans hostiles au gouvernement ont été repris par la foule, qui a également reproduit le salut à trois doigts du film Hunger Games en signe de résistance.
La police a tenté de disperser la manifestation, mais s’est rapidement retrouvée bloquée et repoussée par les participants.
Neuf mois après s’être classés troisièmes au scrutin législatif, le premier depuis le coup d’État de 2014, M. Thanathorn et son parti sont désormais confrontés à une menace existentielle.
Le parti de Thanathorn menacé de dissolution
Mercredi 11 décembre, la Commission électorale a en effet statué que le milliardaire de 40 ans avait enfreint les lois en prêtant de l’argent à son parti. Une requête pour demander sa dissolution devrait en conséquence être transmise à la Cour constitutionnelle.
Cette dernière a, depuis sa création, démantelé de nombreux groupes d’opposition qui ne bénéficiaient pas de l’appui de l’establishment militaire.
Sous le régime de la junte, les rassemblements jugés politiques ont été interdits pendant plus de cinq ans. Les quelques manifestations et appels au retour de la démocratie ont en conséquence eu bien du mal à attirer un large public.
Il y a quelques jours à peine, le Club des correspondants étrangers de Thaïlande a annulé, sous la pression, une conférence de presse d’un groupe prodémocratie qui devait annoncer une « course contre la dictature » à travers le pays le mois prochain.
L’appel à la mobilisation lancé par M. Thanathorn a également ravivé le souvenir des manifestations parfois violentes de ces deux dernières décennies. Celles-ci avaient été stoppées par des coups d’État en 2006 et en 2014.
Mais il a affirmé qu’il n’avait nullement l’intention de raviver de tels souvenirs ou de faire naître des violences similaires à celles qui secouent Hong Kong depuis plusieurs mois.
Le Premier ministre Prayut a pour sa part estimé que l’organisation de cette manifestation en période de Fêtes n’était pas opportune.
Un peu plus tôt samedi, M. Thanathorn avait signé un accord avec six autres partis d’une alliance d’opposition afin de faire pression en faveur de changements à la Constitution. Celle-ci avait été élaborée par la junte elle-même avant les élections du 24 mars et elle est accusée de favoriser les militaires.