La devise thaïlandaise a atteint en milieu de semaine son plus haut niveau depuis plus de cinq ans face au billet vert américain, les analystes s’attendent désormais à ce que le baht passe sous la barre des 31 pour 1 dollar.
Cette envolée du baht pourrait être due à la faiblesse du dollar, dans la mesure où les investisseurs tablent sur un accord entre les États-Unis et la Chine et où la Réserve fédérale américaine devrait suspendre ses hausses de taux cette année, a estimé Roong Sanguanruang, responsable des recherches et analyses à la Bank of Ayudhya.
Selon elle, le baht reste l’un des principaux bénéficiaires des apports de fonds étrangers, sous l’effet de l’important excédent du compte courant de la Thaïlande.
Depuis le début de l’année, le baht a enregistré la meilleure performance parmi les devises asiatiques, avec une hausse de 4,7 % pour atteindre 31,07 mercredi, soit le plus haut niveau face au dollar américain depuis novembre 2013. La roupie indonésienne arrive en deuxième position avec une hausse de 2,3 %, suivie du yuan chinois à 2,2 %.
LIRE AUSSI – Le baht, un défi pour l’économie thaïlandaise en 2019
La liquidation par certains exportateurs locaux de leurs dollars américains au profit du baht, conjuguée aux investissements directs étrangers en Thaïlande, a donné un élan supplémentaire à la devise thaïlandaise cette année, en dépit des positions de vente nettes des portefeuilles des investisseurs, a-t-elle indiqué.
Compte tenu des signaux émanant de la banque centrale américaine annonçant une pause tout au long de l’année, les fonds pourraient se replier vers l’Asie et le baht passer sous la barre des 31, a ajouté Roong.
Le gouverneur de la Banque de Thaïlande, Veerathai Santiprabhob, s’était récemment montré préoccupé par la flambée rapide du baht, mais avait insisté sur le fait que cela ne provenait pas de la hausse de 25 points de base du taux directeur en décembre, au vu des retraits nets des portefeuilles de placements qui ont atteint quasiment 300 millions de dollars au 13 février.
LIRE AUSSI – La Banque de Thaïlande relève ses taux d’intérêt, une première depuis 2011
Le baht porté par la faiblesse du dollar
La remarque du gouverneur a été rappelée dans le compte-rendu de la réunion du Comité de politique monétaire du 6 février, qui fait valoir que le renforcement du baht est principalement attribuable à la faiblesse du dollar.
LIRE AUSSI – La Banque de Thaïlande inquiète de la hausse rapide du baht
Cette évolution du baht est par ailleurs en phase avec celle des marchés émergents et des autres devises régionales.
Le Comité a également affirmé que l’économie thaïlandaise est en mesure d’atteindre son rythme de croisière optimal, mais que les incertitudes liées aux facteurs externes et internes pourraient affecter la croissance économique dans les mois à venir.
Ces incertitudes concernent notamment les mesures protectionnistes commerciales entre les États-Unis et la Chine qui pourraient être prolongées et avoir des répercussions sur les économies des partenaires commerciaux et, par conséquent, sur les exportations de marchandises produites en Thaïlande, la détérioration des perspectives de croissance économique en Chine et l’évolution des investissements dans les infrastructures qui pourraient avoir des effets importants pour les investissements privés.
LIRE AUSSI – Le baht thaïlandais devrait encore se renforcer en 2019
Jittipol Pruksamethanon, de la Krungthai Bank, a mentionné que la demande élevée en faveur du baht était due à l’excédent du compte courant du pays, aux bonnes perspectives des négociations commerciales États-Unis-Chine et au recul du dollar américain.
« Ces facteurs pourraient même porter le baht à 30,75 pour un dollar », a déclaré Jittipol.
Le centre de recherche Kasikorn a affirmé que si les négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine se révèlent positives et que la Fed persiste dans sa stratégie de ralentissement des hausses de taux lors de sa réunion de mars, le dollar sera soumis à des pressions supplémentaires et le baht pourrait poursuivre son ascension vers de nouveaux sommets.
L’inconnue politique
Mais un autre facteur jouera un rôle important : les élections générales qui se tiendront le 24 mars prochain. Les investisseurs sont à l’affût des risques de divisions politiques susceptibles de réapparaître en Thaïlande.
Les alliés de Thaksin Shinawatra, ancien Premier ministre vivant désormais en exil, cherchent à séduire les électeurs avec un projet de relance de la croissance économique, après une tentative manquée de désigner la sœur du Roi Maha Vajiralongkorn candidate du Thai Raksa Chart pour le scrutin.
Néanmoins, comme l’a récemment souligné la banque UOB, « les deux principaux partis en lice privilégient des politiques pro-keynésiennes et axées sur la demande, de sorte que tout blocage politique éventuel se cristallisera essentiellement autour des mesures de relance et des investissements dans les infrastructures ».
Si ces clivages politiques peuvent être contenus, l’économie thaïlandaise devrait continuer sur sa lancée, quel que soit le parti qui triomphera lors des élections, et le baht pourrait encore améliorer sa performance.