La Thaïlande inaugurera d’ici le 1er novembre un centre anti-fake news destiné à combattre les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux, a annoncé mercredi le ministre de l’Économie numérique Buddhipongse Punnakanta.
« De nos jours, tout le monde peut être journaliste. Tout peut être publié et partagé. Les Thaïlandais adorent partager. Mais qui assume la responsabilité de ces informations et réfléchit à l’impact qu’elles ont sur la société ? », a déclaré M. Buddhipongse lors d’une conférence sur la confidentialité des données.
Le but de ce centre de « fact checking » sera d’identifier les éléments partagés non sourcés, de vérifier les faits et de diffuser au grand public des renseignements corrects par le biais de son site, de Facebook et de la messagerie Line.
Le centre se penchera sur plusieurs domaines pour lesquels de fausses informations sont couramment répandues, notamment les catastrophes naturelles, la finance, la santé et les produits illicites, ainsi que les politiques gouvernementales.
Situé à Bangkok, l’organisme sera géré par du personnel du ministère, d’entreprises publiques, de groupes civiques, d’universitaires et de l’Association des journalistes thaïlandais.
« Il ne s’agit pas seulement d’une initiative gouvernementale, car nous avons cherché à coopérer avec la société civile et le secteur privé », a déclaré le ministre au Straits Times.
« Ces personnes ne seront pas impliquées dans la traque des individus ; c’est aux fonctionnaires de l’État de le faire. J’ai demandé à chaque agence de désigner au moins trois personnes, car nous devons vérifier chaque élément d’information dans un délai de deux heures », a-t-il ajouté.
La Thaïlande veut étendre la lutte contre les fake news à l’ASEAN
L’ouverture de ce centre interviendra deux mois après que la Thaïlande ait proposé que les sociétés du secteur des technologies se dotent de leurs propres services anti-fake news dans chacun des dix pays de l’ASEAN.
Le conseil des régulateurs des télécoms de l’ASEAN a accepté cette suggestion et les orientations en la matière devraient être officiellement adoptées lors du sommet de novembre.
Les autorités thaïlandaises se sont inquiétées de la diffusion de fausses informations, source de tensions au sein de la société.
Depuis son entrée en fonction en juillet, M. Buddhipongse, qui était auparavant porte-parole du gouvernement sous le régime militaire de l’actuel Premier ministre Prayut Chan-o-cha, a déjà pris l’initiative de faire taire les fausses nouvelles. Ce fut par exemple le cas début août, à la suite d’une série d’attentats à la bombe à Bangkok.
Dans un message Facebook publié dimanche, M. Buddhipongse a déclaré que les équipements étaient en cours d’installation et de test au centre, le tout s’appuyant sur l’intelligence artificielle sur des experts.
« J’en suis l’initiateur, alors je vais faire en sorte que cela se concrétise et que tout fonctionne », a-t-il écrit.
L’opposition craint un outil de censure
Des membres de l’opposition et des militants des droits de l’homme redoutent cependant que l’objectif de l’initiative ne soit avant tout de servir les autorités.
« Je suis d’accord avec le ministre pour dire que les fake news constituent aujourd’hui un défi de taille pour la société thaïlandaise. Mais ce qui me préoccupe, c’est le caractère partial du gouvernement dans l’exécution de cette mission », a déclaré Pannika Wanich, porte-parole du Parti du nouvel avenir (Future Forward).
« Nous ne savons pas s’il s’agira d’un outil de plus pour contrôler les opinions de la population, si l’on en juge par les antécédents du ministère », a-t-elle ajouté. Certaines personnes ayant publié de fausses informations en ligne contre le gouvernement ont été arrêtées ces dernières semaines.
« Le centre anti-fake news est susceptible d’être un outil de censure. La politique des autorités thaïlandaises ces cinq dernières années s’est exclusivement concentrée sur la répression et les sanctions à l’encontre des critiques et des dissidents, même pour des commentaires formulés de bonne foi », a déclaré M. Sunai Phasuk, chercheur principal pour Human Rights Watch en Thaïlande.
« Entre-temps, il n’y a pas eu de réaction concrète face à la désinformation et aux campagnes haineuses en ligne ciblant les militants prodémocratie et les défenseurs des droits de l’Homme », a-t-il ajouté.
M. Buddhipongse a réfuté ces allégations, affirmant que le gouvernement n’avait aucune motivation politique dans la création de ce centre.
« C’est dans l’intérêt de tous », a déclaré le ministre.
En vertu de la loi thaïlandaise sur la cybercriminalité, toute personne reconnue coupable de diffusion de fausses informations risque jusqu’à cinq ans de prison.