Plus de dix mille personnes ont participé dimanche matin à Bangkok à une manifestation antigouvernementale baptisée « course contre la dictature ». Cette initiative constitue la plus grande démonstration de dissidence contre Prayut Chan-o-cha, chef du gouvernement et ancien leader de la junte.
Au petit matin, des milliers de coureurs se sont présentés dans un parc public de Bangkok, le Suan Rot Fai, en vêtements de sport et en chaussures colorées afin de participer à l’événement Run Against Dictatorship. Selon les organisateurs, plus de dix mille personnes étaient inscrites et présentes, dont de nombreux jeunes.
Alors que de nombreuses forces de sécurité étaient présentes tout au long des 2,6 km du parcours, les joggeurs ont lancé des slogans tels que « Prayut, dehors ! » ou « Vive la démocratie ! ». Certains ont également adressé à l’ancien chef de la junte un salut de résistance à trois doigts. Un geste tiré du film Hunger Games.
Cette course intervient après un rassemblement politique organisé le mois dernier par la figure influente de l’opposition Thanathorn Juangroongruangkit. Il s’agissait alors de la plus grande manifestation depuis le coup d’État de 2014. Cette année-là, Prayut, alors chef de l’armée, s’était emparé du pouvoir en renversant un gouvernement civil après plusieurs mois de manifestations parfois violentes.
Get out #วิ่งไล่ลุง pic.twitter.com/pT6eXp2W4T
— bingo (@bingo_122) January 12, 2020
Tanawat Wongchai, l’un des organisateurs du rassemblement de dimanche, a déclaré que le but était d’ouvrir l’espace public à la dissidence afin de repousser la répression politique amorcée à la suite du coup d’État de Prayut. Il accuse en effet ce dernier d’avoir poursuivi cette répression sous son nouveau pouvoir civil.
« Nous voulons que la population ressente qu’elle peut revendiquer ses droits et s’exprimer », a-t-il affirmé.
Il a également dissipé les craintes selon lesquelles cette course pourrait déboucher sur un mouvement de contestation violent. De telles manifestations se sont déjà produites à plusieurs reprises dans la capitale thaïlandaise Bangkok et avaient abouti à des coups d’État en 2006 et en 2014.
Même si le gouvernement avait indiqué qu’il autoriserait la tenue de l’événement de dimanche, il avait mis en garde les participants contre toute infraction à la loi.
La rue contre le Premier ministre Prayut
Lors du rassemblement du mois de décembre, Thanathorn avait publiquement soutenu l’événement de dimanche et exhorté ses partisans à y prendre part. Ce dernier était initialement baptisé Wing Lai Loong en thaïlandais, littéralement « course pour chasser l’oncle ». Il s’agit d’une référence à Prayut que les Thaïlandais surnomment « oncle Tu ».
Thanathorn, un milliardaire de 41 ans, est devenu l’ennemi le plus virulent du Premier ministre Prayut depuis les élections de mars 2019. Ce scrutin, selon l’opposition, avait été manipulé en faveur de l’alliance promilitaire de Prayut.
Vendredi, l’adversaire du pouvoir en place avait été accusé d’avoir enfreint une loi sur les rassemblements publics lors de la manifestation de décembre. Son parti, le Future Forward, risque désormais la dissolution. Une décision de la part de la très controversée Cour constitutionnelle de Thaïlande est attendue à ce sujet dans le courant du mois.
Parallèlement, une course rivale était programmée au parc Lumphini, à environ 14 km de là.
Plusieurs milliers de personnes, dans l’ensemble plus âgées, étaient inscrites et ont rejoint la « marche pour encourager l’oncle ». Selon ses organisateurs, cet événement visait à soutenir le gouvernement et le Premier ministre Prayut.
The pro-Prayut “Walk for Uncle” #เดินเชียร์ลุง was really an old-school protest march through Lumpini Park where things seemed (for a lack of better word) more coordinated and synchronized in both message and appearance compared to #วิ่งไล่ลุง pic.twitter.com/W5vLtEL8uQ
— Saksith Saiyasombut (@SaksithCNA) January 12, 2020