Malgré un bilan étonnamment impressionnant en matière de lutte contre le coronavirus Covid-19, la Thaïlande reste vulnérable à une seconde vague d’infections, mettent en garde les professionnels de santé.
De nombreux éléments pourraient provoquer une nouvelle vague à l’échelle nationale, affirme le professeur Thiravat Hemachudha, directeur du Centre des sciences de la santé pour les maladies infectieuses émergentes de la Croix-Rouge thaïlandaise.
« En premier lieu, les Thaïlandais sont convaincus que le pays est totalement exempt de cas de Covid-19 et ils relâchent désormais leurs efforts. Ne pas porter de masque, ne pas se laver les mains fréquemment et ne pas maintenir une distanciation sociale suffisante sont autant de risques accumulés », souligne l’expert médical.
La Thaïlande n’a officiellement enregistré aucune transmission domestique du virus depuis plus de 80 jours, selon les données du Centre de gestion de la crise Covid-19.
M. Thiravat a ainsi averti qu’il était impossible que la Thaïlande soit totalement exempte de cas locaux de Covid-19 quelques mois seulement après que le virus ait entamé sa propagation à travers le monde et au moment où de nombreux pays connaissent toujours des taux d’infection élevés. Il peut sembler que le coronavirus soit effectivement éradiqué en Thaïlande, mais uniquement parce que les personnes touchées se révèlent asymptomatiques, ajoute-t-il.
« Les jeunes qui sont en bonne santé peuvent ne présenter aucun signe après avoir contracté le virus. Mais même asymptomatiques, ils peuvent propager la maladie », explique-t-il.
Il souligne que les transports publics augmentent le risque d’infection, car les usagers des bus, par exemple, ne sont plus socialement distants.
Permettre aux jeunes enfants de retourner en classe constitue également un point sensible, car il est difficile de les séparer, ajoute-t-il.
« Quant aux personnes qui arrivent de l’étranger, un dépistage et une quarantaine doivent être strictement appliqués. »
Le Dr Tanarak Plipat, directeur général adjoint du Département de contrôle des maladies, abonde dans le même sens : les chances que la Thaïlande soit confrontée à une deuxième vague de Covid-19 sont élevées. « Mais nous espérons que sa propagation, si elle se produit, sera limitée », déclare-t-il.
Ces propos des deux médecins interviennent au moment où de nombreuses entreprises thaïlandaises luttent sous le poids des retombées économiques de la Covid-19. À ce jour, le virus aurait infecté plus de 21 millions de personnes dans le monde et en a tué plus de 780 000.
M. Tanarak affirme que l’objectif de la Thaïlande n’est pas le « zéro cas », mais bien de lutter contre la progression aussi efficacement que possible.
« Si nous détectons des cas de Covid-19 en Thaïlande, nous devons nous assurer que l’épidémie est contrôlée et ne se propage pas à grande échelle », déclare-t-il.
Toutefois, pour y parvenir, la population devra modifier son comportement. Il est temps, selon lui, que les gens réalisent qu’ils peuvent sortir même si la Covid-19 demeure. « En fait, après la disponibilité d’un vaccin, la maladie existera toujours. Simplement, les précautions et les vaccinations l’empêcheront de submerger les hôpitaux », souligne-t-il.
De nouvelles vagues de Covid-19 à l’étranger
Il souligne que la Thaïlande doit tenir compte de l’expérience du Viêt Nam, qui a maîtrisé avec succès la Covid-19 jusqu’à ce que des infections locales apparaissent soudainement dans la ville touristique de Da Nang. Cette dernière a enregistré au moins 355 cas et 11 décès depuis la résurgence de l’épidémie fin juillet.
« On ne sait toujours pas comment la Covid-19 a refait surface au Viêt Nam », explique M. Tanarak. Il ajoute que le virus a pu subsister pendant des semaines sans être détecté, avant une nouvelle recrudescence lorsque les gens ont baissé leurs gardes. Une autre analyse possible est la quarantaine inadéquate des personnes de retour de l’étranger, ou des migrants clandestins qui traversent les frontières.
Hong Kong, territoire salué dans le monde entier pour sa lutte efficace contre la Covid-19 en début d’année, a depuis été touché par une deuxième et une troisième vague d’infections. Les experts ont critiqué la décision du gouvernement local de renoncer aux tests et à la quarantaine pour plus de 200 000 arrivants, ainsi qu’une mesure qui permet aux personnes de se mettre elles-mêmes en isolement grâce à des dispositifs de surveillance électronique.
Dans le même temps, la Nouvelle-Zélande a été frappée par une deuxième vague. Elle devrait bientôt décider de maintenir ou non son confinement total, compte tenu du coût économique considérable et des éléments de preuve de plus en plus nombreux, au niveau mondial, que le virus ne pourra pas être éliminé de façon définitive.
Deuxième vague envisageable en Thaïlande
M. Tanarak estime que les précautions prises par les personnes et les entreprises, ainsi que la détection précoce des cas de Covid-19, apparaissent comme cruciales pour tout effort de lutte contre une deuxième vague d’infections.
Il insiste sur le fait que les Thaïlandais doivent continuer à porter des masques de protection, à se laver fréquemment les mains, à manger des aliments bien cuits et à ne pas se rendre dans les endroits bondés.
Il recommande aux entreprises de conserver autant que possible le télétravail, ou au moins de mettre en place des horaires flexibles afin d’éviter la foule. Il souligne également que les mesures de distanciation physique doivent être maintenues. « Les lieux fermés et climatisés présentent un risque 19 fois plus élevé de transmission de COVID-19 que les espaces extérieurs », précise-t-il.
Dans le même temps, les établissements de santé doivent continuer à rechercher activement les cas de Covid-19, poursuit-il. Par exemple, ils devraient effectuer un test Covid-19 sur tout patient qui souffre d’une inflammation pulmonaire. « Il ne faut pas attendre qu’un foyer épidémique éclate. »
M. Tanarak affirme que les efforts de traçage et de dépistage continuent. Par exemple, lorsqu’un soldat égyptien en visite à Rayong s’est avéré positif à la Covid-19, près d’un millier de tests quotidiens ont été rapidement effectués pour déterminer si des résidents locaux ont pu être infectés.
Les autorités se disent également prêtes à faire face à une éventuelle nouvelle éruption de Covid-19. Ainsi, le personnel médical peut désormais compter sur un stock de 1,12 million de masques N95 et 511 000 équipements de protection individuelle.
« Nous avons aussi 11 000 ventilateurs disponibles », affirme M. Tanarak. « Cela se joint aux réserves de médicaments comme le Favipiravir pour le traitement des patients atteints de coronavirus. »
Il ajoute que toutes les personnes qui reviennent de l’étranger doivent continuer à subir des tests Covid-19 et être immédiatement isolées et soignées si elles sont infectées.
« La vigilance et la rapidité de réaction devraient nous aider à contenir la deuxième vague, lorsqu’elle se produira », conclut-il.
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