Les facteurs ayant contribué à la pollution atmosphérique à Bangkok ces dernières semaines sont bien connus, et cette situation représente un véritable danger pour la santé des habitants, mais désormais, le défi majeur consiste à mettre en œuvre des solutions appropriées.
Le ministre de l’Environnement, le Général Surasak Kanchanarat, a assuré le grand public que le gouvernement avait une stratégie et prendrait les mesures nécessaires pour combattre les particules fines PM2,5 à l’origine de ce brouillard de pollution toxique. Mais selon les experts, pour parvenir à une véritable solution, il faut un plan à long terme qui inclura des moyens de transport respectueux de l’environnement ainsi que des mesures contraignantes comme la restriction des véhicules les plus polluants.
« Avec ou sans les vents d’hiver pour chasser cette pollution de l’air, le problème va persister, car nous avons des millions de véhicules polluants sur les routes. Les causes profondes doivent être les premières auxquelles il faut s’attaquer », a déclaré Sonthi Kotchawat, ancien responsable de la surveillance et de l’évaluation de la pollution au Bureau des ressources naturelles pour la politique et la planification environnementales.
Pendant près d’un mois, les habitants de la capitale thaïlandaise et de ses environs ont souffert d’un « smog » dépassant les seuils de tolérance, soit 50 microgrammes par mètre cube, a expliqué Sonthi.
La société thaïlandaise n’a pris conscience de l’ampleur de ce problème il y a quelques années seulement, lorsque le Département de la lutte contre la pollution (PCD) a mis en place des dispositifs destinés à détecter et mesurer les taux de particules à travers Bangkok. Au vu de la récente sensibilisation de la population aux niveaux de danger, des mesures n’ont pas encore été mises en place pour traiter correctement le problème, et une démarche au coup par coup a été adoptée alors même que les relevés sont de façon répétée élevés en cette saison, explique Sonthi.
Renforcer les normes sur le diesel
La cause principale de cette situation a désormais été identifiée : les véhicules à moteur diesel.
Selon le Département de la politique des transports et de la logistique de l’Institut thaïlandais de recherche pour le développement (TDRI), le nombre de véhicules à Bangkok a bondi au cours des dix dernières années, passant d’environ 2,9 millions en 2008 à environ 5,56 millions en 2017.
Parmi ce total, 38 %, soit environ 2,1 millions, utilisent du carburant diesel.
Sonthi a rappelé que le problème des véhicules diesel réside dans les normes relatives aux moteurs et au carburant, qui, en Thaïlande, restent principalement inférieures aux standards internationaux habituels Euro 5 ou Euro 6. Ces normes établies par l’Union européenne ne tolèrent qu’une très faible quantité de soufre dans le carburant diesel.
La Thaïlande a adopté la norme Euro 4 pour les moteurs et le carburant en 2012, celle-ci autorise 50 particules par million (ppm), soit 50 grammes de soufre par tonne de carburant. Il est apparu ultérieurement que de nombreux autobus publics, ainsi que les véhicules particuliers les plus anciens, étaient bien loin de cette norme, a expliqué Sonthi.
Bien que le renforcement des normes en vigueur puisse être une option, il est plus important de limiter le nombre de véhicules polluants sur les routes, a-t-il affirmé, notamment en se tournant vers les véhicules propres, comme ceux électriques.
Une période de transition vers les véhicules écologiques
D’autres experts, dont Sumet Ongkittikul, directeur du département de la politique de transport et de logistique de la TDRI, ont convenu que le nombre de véhicules sur les routes de la ville devait être limité à long terme.
Cela constitue un défi considérable, a souligné Sumet, d’autant plus que les moteurs propres sont encore relativement chers. Cette situation pourrait donc prolonger la période de transition vers des moteurs plus propres.
Sumet a suggéré que le gouvernement se fixe un objectif pour cette période de transition, en combinant des mesures telles que la modernisation des moteurs et des normes sur le carburant, en parallèle au développement des transports en commun.
« Nous découvrons en général les problèmes trop tard, et le pire, c’est que nous trouvons les solutions bien plus tard encore. Il est donc presque impossible d’appliquer immédiatement des mesures strictes telles que l’interdiction de circuler sur les routes. Il est nécessaire de planifier et de concevoir nos solutions, mais il faut d’abord et avant tout nous convaincre que cela ne constitue pas un problème en soi », a déclaré Sumet.
Le professeur Chamnong Sornpipat, membre du comité de la Société asiatique de recherche sur les transports, a déclaré que le problème du brouillard de pollution dû aux particules fines PM2,5 est lié à l’absence de politique pour la protection de l’air et en faveur des transports durables, lesquelles sont étroitement liées.
Chamnong, également membre d’un groupe de réflexion, l’Institut Klang Panya, a déclaré que le problème se pose de façon récurrente à travers le monde depuis des années, alors que certaines grandes villes, comme Londres, ont connu des difficultés majeures. Un certain nombre d’enseignements sont disponibles, mais la plupart des Thaïlandais ne les connaissent tout simplement pas, a-t-il fait remarquer.
Certaines agences, y compris le PCD, ont tenté de s’attaquer à ce problème, en s’efforçant de mesurer et de fixer des normes de qualité de l’air, mais ces bonnes initiatives ont parfois été abandonnées après que leurs défenseurs aient achevé leurs missions.
Cela reflète la situation d’ensemble sur le manque de politique d’assainissement de l’air en place pour s’attaquer au problème, a-t-il affirmé. Cependant, la situation reste relativement limitée géographiquement, ce qui signifie que le problème se pose essentiellement dans les zones où la circulation est importante, comme à Bangkok et dans quelques autres grandes villes.
Anticiper les évolutions urbaines pour lutter contre la pollution
La meilleure politique pour aider à résoudre le problème, selon
Chamnong, ne devrait pas être « universelle, mais plutôt différenciée et appliquée localement ». Cela exige une tendance à la décentralisation, dans laquelle les autorités locales sont autorisées à jouer un rôle de premier plan pour s’attaquer au problème.
Pour réduire la pollution de l’air, il y a trois facteurs principaux à prendre en compte, a indiqué Chamnong : réduire la concentration de pollution générée par les véhicules, réduire le nombre de véhicules sur les routes et réduire la circulation pendant les heures de pointe.
Ces mesures peuvent être appliquées à différents degrés pour prévenir les sources de pollution et pourraient comporter des mesures fiscales dissuasives ou des incitations économiques.
En définitive, les dispositions doivent déboucher sur un système de transport durable qui permettra aux automobilistes de délaisser leur véhicule personnel au profit de systèmes de transport en commun de bien meilleure qualité.
Parallèlement à une planification urbaine améliorée et au développement des espaces verts, une politique de transport durable contribuerait à garantir aux citoyens un air plus propre et ce plus efficacement que des mesures qui se concentreraient sur les normes des véhicules personnels, a-t-il conclu.
« Il est indéniable que les villes continueront de croître et que les populations migreront des zones rurales vers les zones urbaines, le problème ne se limite donc pas à Bangkok. Il est important de se concentrer sur la cause originelle, mais nous devons faire plus », a affirmé Chamnon.
« Nous devons avoir une vue d’ensemble et [le gouvernement] doit être en mesure de percevoir les interdépendances » entre la qualité de l’air, le passage du motorisé au non-motorisé, les transports écologiques, la planification urbaine et le développement des espaces verts.
Le niveau de pollution en Thaïlande peut être suivi en temps réel via le site air4thai et son application iPhone ou Android.